Aaron Cobbett, le photographe qui raconte New York et sa vie gay

Aaron Cobbett ressent un amour viscéral pour sa ville, New York. Il est un des dignes héritiers de la culture underground gay new-yorkaise des années 70 et 80. Ses photographies aux couleurs flamboyantes racontent son histoire
 Rencontre.

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Deux ouvrages ont déjà publié ton travail de photographe. Tes images sont immédiatement reconnaissables… Parle-nous de toi !

Mon premier livre est issu de mon travail pour HX Magazine au milieu des années 90. Avant cela, je virevoltais dans la mode et dans la musique. Et bien évidemment, je ne gagnais pas d’argent. HX a mis mon travail en lumière, et d’une seul coup, mes images étaient partout. J’ai reçu un appel de Bruno Gmünder à Berlin qui a voulu éditer ce travail.

Mon deuxième livre vient de mon blog « Pink and Wrinkly » que j’ai lancé en 2005. À l’époque, les blogs étaient vraiment la chose à faire, Instagram n’avait pas encore décollé. J’ai publié des séries de photos avec des anecdotes sur les modèles. Après que le magazine GUS propose une de mes séries, j’ai été contacté par un éditeur français, H&O Éditions, ce qui a conduit à la publication de mon deuxième livre en 2008. J’ai toujours été portraitiste, je m’intéresse aux gens, au sexy, au glamour alternatif, à la capture de l’essence d’une personne, à quelque chose de révélateur, à un moment de transformation.

Serais-tu d’accord si on dit que tu fais, aujourd’hui, partie de l’imagerie gay ?

Je photographie la scène gay du centre-ville de New York depuis la fin des années 80. Je me considère comme perpétuant une tradition de l’art underground gay. En plus de trois décennies dans la scène gay new-yorkaise, mon travail est devenu une référence de la culture « queer » contemporaine.

D’où viennent tes inspirations ?

Des artistes gays classiques comme James Bidgood, Bob Mizer, Quaintance, Tom of Finland et tant d’autres. J’adore aussi le travail dans la mode de mode d’Helmut Newton, Richard Avedon et Guy Bourdin. Je fréquente beaucoup Garment District, le quartier de la mode à New York. C’est un endroit magique que je visite souvent pour faire du shopping et m’inspirer. J’adore aussi prendre le métro dans cette ville. On y rencontre tellement de looks dingues !

Tu es new-yorkais. Comment cela se traduit-il dans tes photographies ?

Je ressens pour New York une histoire d’amour intense. J’ai grandi dans la scène des clubs du centre-ville des années 80, dans des endroits comme le Boy Bar, le Red Zone, The World ou le Pyramid Club. L’esthétique campy du punk et du drag des années 80 a joué un rôle déterminant dans la formation de mon esthétique. Mon premier travail à New York a été de faire des vitrines chez Bergdorf Goodman. J’ai continué chez Bloomingdales, Henri Bendel et aux Galeries Lafayette. La composition, l’éclairage, le style et la théâtralité générale de la conception de vitrines se sont traduits directement dans ma photographie.

Tu as entrepris un (très beau) travail sur le tissu. Pourquoi ?

Je vous remercie ! Quand j’étais enfant, je souhaitais travailler dans la mode. J’ai cousu toute ma vie, confectionné des vêtements et des costumes pour mes photographies, des décors en tissu. Il y a quelques années, j’ai commencé à développer des techniques pour mélanger la photographie et les textiles, découper et assembler des photos dans des broderies, des coutures à la main, des choses que j’ai toujours aimées. Une photo sort en un instant, si vous la manquez, c’est fini. Dans le textile, l’image se développe au fil des mois. Cela me donne le luxe ultime du temps.

Où trouves-tu tes modèles ?

Surtout sur Instagram actuellement. J’ai eu de nombreuses muses au fil des ans. Des modèles qui m’ont inspiré, avec qui j’ai travaillé encore et encore. J’aime avoir des relations longues avec mes modèles, cela me donne de l’espace pour explorer des idées. Je cherche des beautés alternatives. Quelque chose d’un peu bizarre retient toujours mon attention.

Tu as commencé ton travail de photographe dans les années 90. En quoi être photographe aujourd’hui est différent de cette époque…

La photographie était encore une industrie dans les années 90. Il y avait un quartier de la photo à Manhattan, il y avait des magazines, des publicités imprimées, des couvertures de disques. Avec l’avènement du numérique, la mort programmée de l’édition, l’arrivée des téléphones avec appareil photo et des médias sociaux, la photographie a perdu une grande partie de son cachet et certainement de sa viabilité en tant que profession. Pour moi, ce n’est plus une entreprise commerciale. Cela fait désormais partie de ma pratique des beaux-arts.

Quel est ton meilleur souvenir de la photographie ?

Lorsque mon travail est devenu populaire, je me suis senti visible pour la première fois. C’était incroyable de vivre ce moment-là.

As-tu des projets ?

J’ai toujours plusieurs projets en cours. Je me suis récemment beaucoup intéressé à mes archives. Mais comme j’ai l’impression que je fais le meilleur travail de ma carrière en ce moment, j’ai un peu de mal à m’y lancer. J’ai l’impression que je ne fais que commencer, alors les archives devront attendre un peu.

Vous pouvez suivre et retrouver le travail d’Aaron Cobbett sur Instagram ou sur son site

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