On a rencontré Antonio Saboia, l’acteur du film « Le Champ des possibles »

À l’occasion de la sortie en DVD du film « Le Champ des possibles » de Aly Muritiba, nous avons rencontré Antonio Saboia, l’un des acteurs principaux. Ce dernier incarne Daniel, un policier plutôt homophobe, qui se met en quête de la personne mystérieuse avec qui il tchatte. Une révélation inattendue le pousse dans une histoire d’amour a priori impossible dans ce Brésil lunaire.

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Pourquoi avez-vous accepté le rôle de Daniel, ce policier dans le placard ?

J’ai immédiatement ressenti le besoin de raconter cette histoire après avoir lu le scénario. C’est l’histoire d’un homme ordinaire prisonnier d’une structure patriarcale rigide et pleine de préjugés qui, par la force des circonstances et de ses émotions, se voit contraint de transformer sa vie et son regard. Lorsque nous avons tourné Le Champ des possibles, nous étions encore en plein dans l’ère Bolsonaro, ce qui a renforcé encore plus mon envie de participer à ce film. 

Comment décririez-vous le climat du film ?

Le film est à la fois dur et tendre, c’est le paradoxe de cette relation. Nous portons tous un bagage structurel problématique et le chemin à parcourir pour subvertir ces dogmes est long et parfois violent. Le fait que cela puisse être si difficile, si compliqué, de vivre ses sentiments est absurde. Il serait tellement plus simple de se laisser complètement emporter par l’amour.

Comment s’est passée la rencontre avec Pedro Fasanaro, votre partenaire à l’écran  ?

Comme cette relation dans le film était une relation virtuelle et par téléphone, le réalisateur a demandé que nous ayons les yeux bandés durant les premières semaines de répétitions. Notre seule référence l’un pour l’autre était notre voix. Nous ne nous parlions pas en dehors des répétitions. Mais une connexion profonde s’est établie dès les premiers instants. Cette connexion s’est approfondie plus encore au long du tournage. Pedro est une personne extraordinaire pour qui j’ai beaucoup de tendresse.

Antonio Saboia

Les scènes de violence étaient-elle difficiles à jouer ?

La violence dans le film est bien plus implicite qu’explicite. Daniel est un volcan en ébullition. C’est d’ailleurs la première chose que j’ai ressenti, et que j’ai eu besoin de comprendre : d’où venait toute cette violence et pourquoi ? Ça n’a pas du tout été facile de porter cet état de rage refoulée, de comprendre cette dichotomie et de parcourir cette transformation de la haine vers l’amour.

Qu’est-ce que le film dit des droits LGBT au Brésil ?

Récemment, une loi condamnant l’homophobie a été votée au Brésil, ce qui représente une énorme avancée dans l’un des pays les plus meurtriers envers la communauté LGBTQIA+. Le film illustre ces deux pôles opposés : d’une part, une jeunesse qui s’émancipe, exige et se bat pour sa liberté, et d’autre part, une couche de la société qui demeure attachée à des valeurs traditionnelles qu’elle-même ne comprend plus, mais qui font partie d’une identité forgée par une société marquée par l’oppression patriarcale, homophobe, raciste et misogyne.

La différence entre le Sud très conservateur et le Nord du Brésil, plutôt progressiste est-elle une réalité aujourd’hui ?

Oui, cette disparité est toujours là. Cela s’est confirmé lors des dernières élections, où le Nord progressiste l’a emporté sur le Sud conservateur.

Antonio Saboia et Pedro Fasanaro

Vous êtes né à Paris. Vous parlez français. Quelle est votre histoire avec la France ?

Je suis né à Paris d’une maman française et d’un papa brésilien. J’ai fait mes premiers pas à l’option théâtre du Lycée Molière puis, après le Bac, je suis parti faire un conservatoire d’art dramatique à Londres. J’ai fini par construire une carrière au Brésil, que je compte continuer à développer. Cependant, j’aimerais beaucoup avoir l’opportunité de tourner en France, ce qui me permettrait d’y passer plus de temps et de profiter de ma famille ici. 

Êtes-vous optimiste pour le futur de votre pays ?

Lequel ? (Rires) Chaque pays a ses galères mais en ce qui concerne le Brésil, nous sommes sortis d’une période sombre de 6 ans. Les dégâts ont été considérables, mais nous reprenons progressivement les choses en main. Ce qui a été détruit est en train de se reconstruire et la prise de conscience qui accompagne cette nouvelle ère fait avancer les choses encore plus rapidement.

Quels sont vos projets ?

En novembre, je lance une série sur un gourou brésilien mondialement connu : John of God qui a été accusé d’avoir abusé une centaine de femmes en échange de soins et de guérisons. À la même époque, sort un film intitulé As Órbitas da água qui raconte l’histoire d’un fils qui revient 20 ans après dans son village pour régler ses comptes avec un père qui l’a abusé enfant. Un programme léger pour cette fin d’année ! Il est temps de faire une comédie je crois.

Le Champ des possibles (Deserto Particular)
De Aly Muritiba. Avec Antonio Saboia, Pedro Fasanaro, Thomas Aquino
Sortie en DVD et VOD chez Optimale

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