Chantal Goya : « La sensibilité des gays est proche de la mienne ! »

“Le Soulier qui vole”, son spectacle culte, a déjà 40 ans ! À cette occasion, l’interprète de “Pandi Panda”, de “Bécassine” et de “C’est Guignol” fait la tournée des Zeniths. Celle qui est revenue sur le devant de la scène grâce au film “Absolument fabuleux” (2005) et à ses shows dans les boites gay nous livre les raisons de son succès auprès de la communauté gay, dont elle se sent proche… depuis toujours !

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Article paru dans Tribu Move n°239 (novembre 2019).
Propos recueillis par Aurélien Noël

Dans les années 80, Barbara disait d’elle : « dans 30 ans, tu seras une institution ». Il faut croire que la Dame Brune avait vu juste. Du haut de ses 77 ans, Chantal Goya virevolte toujours autant pour notre plus grand plaisir au gré des zéniths de France et de ses personnages hauts en couleur. L’année 2019-2020 s’annonce bien chargée pour la record-woman du Palais des Congrès (360 représentations au fil de sa carrière). Demandée à corps et à cris par ses fans toujours aussi nombreux, l’artiste a décidé de repartir sur les routes avec son magnifique « Soulier qui vole ». Un plaisir de retrouver une magie intacte et un public toujours aussi émerveillé. 

À 77 ans rien ne vous arrête ! Quel est votre secret ?

Je ne connais pas les âges. Je me base sur l’énergie intérieure. Évidemment, si demain je n’ai plus de jambes, plus de bras et que je suis fatiguée, je ne vais pas continuer d’incarner Marie-Rose. Je ne suis pas folle ! Je me demande si quand j’arrêterai, ça ne s’arrêtera pas avec moi tout ça. J’ai instauré ce genre de spectacles et je pense que je partirai avec. Sauf peut-être si mes spectacles sont repris à l’étranger. Si un jour une petite américaine ou une petite chinoise est intéressée pour reprendre tout ça, je serais heureuse d’être sa bonne fée. Ça me ferait plaisir.

Pourquoi aimez-vous la scène, mais pas le travail en studio ?

Chanter en studio, c’est la panique ! Je ne reconnais jamais ma voix. Je ne peux pas dire que je suis en admiration devant ma voix, mais à partir du moment où c’est juste et que ça passe, tant mieux ! Ce qui me perturbe le plus, c’est quand il y a plein de violons. Je suis perdue. Mon arrangeur rigole et me dit que je suis spéciale. Même après 40 ans… ce n’est pas mon truc. Par contre, j’adore la scène ! Je m’amuse.

Comment expliquez-vous votre longévité ?

C’est un destin incroyable. Mon public est d’une grande fidélité. Il ne m’a jamais lâché et moi non plus d’ailleurs ! Je l’ai toujours écouté et fait ce qu’il attendait de moi. Pourtant, je ne me destinais pas à cette carrière. Si on m’avait dit à 17 ans de chanter pour les enfants, jamais je ne l’aurais fait ! Je l’ai fait parce que j’étais maman. C’est tout. J’ai refait pour les autres enfants ce que je faisais pour les miens. Tout est parti de là. 

Vous étiez plutôt tournée vers le cinéma ?

Oui, mais avec mon caractère… (rires). Lorsque j’ai tourné pour Godard, j’ai refusé de me mettre à poil. Beaucoup de metteurs en scène de la Nouvelle Vague voulaient tourner avec moi mais comme je refusais de me déshabiller, ça limitait les rôles. Même embrasser un garçon, je ne voulais pas. Un jour, j’ai tourné en Autriche un remake de Sissi. Je ne savais pas que j’allais avoir un fiancé… Et je l’ai vu arriver du fond de la forêt avec la moustache et la coiffure d’Hitler. J’ai enlevé toutes mes affaires et je suis partie. Ils m’ont payé ce qu’ils me devaient et je suis allée me chercher une table rouge que j’avais repérée en bas de mon hôtel avant de rentrer à Paris. Je suis comme ça. Je ne peux pas faire semblant.

« Le Soulier Qui Vole » repart en tournée 40 ans après sa création. La magie est-elle toujours intacte ?

C’est encore mieux aujourd’hui. Je remarque que tous ceux qui sont venus quand ils avaient 5 ans ont aujourd’hui 30, 40, 50 ans. Je le ressens. C’est comme si je les avais quittés hier et qu’ils sont revenus avec de la famille, des enfants, des copains. Tout le monde vient pour participer et c’est ça qui est génial. Tout le monde me connaît et moi je les connais tous !

Quel est votre moment préféré du spectacle ?

J’aime quand mon soulier vole. En particulier sur la chanson « Partir ». Je pense que ce qui me touche le plus, c’est de revoir tous les costumes qui ont été créés à l’époque. Je les ai sortis d’une armoire et en fin de compte, je me suis dit que j’avais eu raison de les garder. J’aimerais faire une belle exposition. C’est un projet qui avance. Il faut trouver un scénographe qui nous fasse entrer dans un monde magique au milieu des costumes et de mon univers avec des mannequins portant mes robes. Tableau par tableau. Un parcours avec de la musique… 

D’où vient votre lien à la communauté gay ?

J’ai toujours été entourée d’homosexuels, je pense à Thierry Le Luron. Mes amis gays ont toujours été très proches de moi, très prévenants et très protecteurs. Ils retrouvaient leur âme d’enfant quand ils me voyaient. La sensibilité du monde gay est très proche de la mienne, proche du monde de l’enfance. Ils reconnaissent dans mes chansons et ma façon d’être que je suis une personne sensible, comme eux. Ils sont aussi d’une immense fidélité et très proches de tout ce qui est esthétique. Je devais être un garçon dans une autre vie ! Les nanas ont toujours des problèmes. Moi, je ne suis pas comme ça. Je suis une fille ou un garçon. Je ne suis pas une dame. Mon univers les rassure. C’est être proche de quelqu’un qui vous aime et que vous avez connu petit. C’est très important. J’ai toujours amené de la joie et du bonheur à tout le monde car je ne suis pas quelqu’un de compliquée. Tout peut s’arranger ! Je ne parle jamais de mes problèmes. Je ne me suis jamais plainte. L’autre jour, je me suis foulée la cheville, mais personne ne l’a su, pas même Jean-Jacques. (Sourire).

Vous étiez la confidente de Thierry Le Luron à l’époque où l’homosexualité n’était pas encore entrée dans les mœurs…

Avec Thierry, ce n’était pas compliqué de savoir qu’il aimait les garçons ! (Rires). Tout le monde le savait et trouvait ça normal. Sa mère disait toujours en parlant de moi : « C’est une petite femme comme ça que tu devrais épouser. ». Thierry répondait : « Mais maman, il n’y a pas deux Chantal Goya et moi j’ai mon copain ! ». Ce sont des crises de fous-rires entre nous. Qu’est-ce que je l’ai aimé. Il était tellement gentil. Il est parti il y a déjà 30 ans. Il est mort à 32 ans. Il était très malade et il n’a pas connu la trithérapie. Ça n’existait pas. Je sais que Line Renaud s’est beaucoup battue à ses côtés pour trouver des soins qui lui permettraient de le guérir. Ils sont allés à New-York ensemble. Partout. Jean-Jacques était avec Thierry jusqu’au dernier jour. Il est mort à l’hôtel de Crillon.

« Le Soulier qui vole » en DVD depuis le 25 Novembre.
Tournée : 40 Zéniths en France, Belgique & Suisse.
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