On a parlé avec Corentin et Joseph, les créateurs d'”Amours chimiques”, la pièce sur le chemsex à voir en mai au Lavoir Moderne Parisien

Le chemsex est souvent abordé aujourd’hui, via les drames que traversent ceux qui le pratiquent ou encore ceux qui entourent ces derniers. Dans la lignée de « 5 Guys Chillin’ », « Amours chimiques » est une pièce de théâtre qui creuse le sujet à travers l’expérience qu’ont vécue ses auteurs. Première création de la compagnie queer Les Adelphes de Nuit, elle se jouera du 15 au 19 mai à Paris au Lavoir Moderne Parisien. Fort !

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C’est l’histoire de Candide qui débarque à Paris et rencontre Ilyes. Ils vont alors vivre une relation particulière dans laquelle Candide va découvrir le chemsex (ou le fait de prendre des produits pour une relation sexuelle à deux ou en groupe). Le jeune homme va d’abord vivre l’allégresse puis les dérives et la solitude liées à la consommation de produits.

Co-écrite par Corentin Hennebert et Joseph Wolfsohn, Amours chimiques entrecroise ainsi la trajectoire d’un jeune gay ordinaire avec un focus sur le chemsex. Corentin tient à expliquer : « J’ai eu une grosse période de consommation de drogue. En sortant de cette période, je me suis remis à faire du théâtre. Cette activité a rencontré mon envie de raconter mon histoire. Candide, c’est un peu moi. Avec des éléments de la vie de Joseph… Ça a été très long. J’ai écrit entre 2018 et aujourd’hui. Au final, Amours chimiques m’a, en quelque sorte servi pour m’en sortir. »

Corentin Hennebert et Joseph Wolfsohn / Otto Zinsou

Joseph précise : « En 2021, j’étais dans mon propre chemin du chemsex et quand j’ai rencontré Corentin, je me suis rendu compte qu’on avait la même idée. Cette pièce est devenue pour nous deux une évidence… »

Amours chimiques a été présenté aux Plateaux sauvages (Paris) dans le cadre du festival Tremplin Propulsions. Il y a obtenu le prix du jury… La pièce est montrée pour la première fois dans la capitale au Lavoir Moderne Parisien du 15 au 19 mai 2024.

« On ne cache rien ! »

« Bien sûr que la pièce raconte des éléments de nos vie dans le chemsex, raconte Corentin. Mais l’écrire nous a presque transformé en “journalistes”. On a cherché à aller encore plus loin dans notre perception du phénomène. On s’est plongé dans des rapports, on a assisté à des conférences. On a rencontré non seulement des consommateurs mais aussi tous les acteurs de terrain… Ca nous a permis de prendre un peu de distance par rapport à nos propres ressentis. »

Joseph dit que l’écriture a été une forme d’art-thérapie, de catharsis… C’est là peut-être toute la force de la pièce. Elle ne propose pas seulement de regarder des acteurs jouer. Parce qu’elle se veut aussi la parole des personnes concernées, elle permet à chacun des spectateurs de pouvoir mettre en perspective son propre regard sur le chemsex.

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Crédit : CLAUDIA BLEANDONU BERBERIAN

« On parle très peu de drogue dans la littérature ou au théâtre en France. Ce silence est presque aussi destructeur que la simple apologie du plaisir sous produits. Dans Amours chimiques, il n’y a aucun tabou. On ne cache rien : le bon comme le mauvais… », explique Joseph… Et Corentin d’ajouter : « On n’est pas dans le prosélytisme mais on ne peut pas cacher que c’est cool au début… »

« Ce n’est plus marrant… »

Le chemsex a complètement envahi les pages fait-divers des actualités LGBT+. Dernièrement, à Bordeaux, quatre personnes sont mortes d’overdoses liées au chemsex. À travers leur pièce, Corentin et Joseph veulent qu’on ressente vraiment l’urgence à traiter du sujet en termes de santé publique. « Ce n’est plus marrant le chemsex, constate Corentin. En s’attachant au personnage de Candide, chaque spectateur trouvera le moyen d’appréhender l’ampleur des besoins dans le domaine. »

Amours chimiques lavoir parisien
Crédit : CLAUDIA BLEANDONU BERBERIAN

Nous sommes aujourd’hui face à une montée en puissance du chemsex. La facilité d’accès à ces produits illicites, notamment via Internet, y a grandement participé. Joseph est d’accord : « La consommation devient industrielle et personne n’a l’air d’en prendre toute la mesure. Pendant la crise du COVID, les pratiques de chemsex ont explosé. Le confinement oppressant a facilité d’une manière dramatique les découvertes de ce type de rapports… Aujourd’hui, l’âge médian du consommateur baisse. Nous sommes inquiets aujourd’hui parce que des jeunes débutent leur sexualité avec le chemsex. »

Crédit : CLAUDIA BLEANDONU BERBERIAN

Le plus paradoxal, c’est qu’on sent chez ces deux garçons qui ont traversé des épreuves particulièrement dures, une forme d’optimisme. Réalistes, certes… mais optimistes. Parce qu’au fond peut-être, on parle d’amour… D’amour chimique !

Amours chimiques, au Lavoir Moderne Parisien, 35 rue Léon (18e), du 15 au 19 mai. Plus d’infos

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