Témoignage : “J’ai fait mon coming out à 50 ans”

La révélation faite aux amis, aux parents, dans les années lycée, un peu avant ou un peu après, on connaît. Philippe, qui a vécu une longue et belle histoire avec une femme, a fait son coming-out à la cinquantaine, par amour pour un homme. Une décision heureuse qu’il nous raconte à l’occasion de la journée mondiale du coming-out, le 11 octobre.

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Il s’est marié en pleine épidémie de Covid, avec Rémy. En présence de ses trois enfants, mais pas de son ex-femme, qui était pourtant conviée. « J’avais épousé ma meilleure amie » plaisante Philippe, qui avait convolé une première fois à 22 ans.

Sa femme a eu des amants, comme lui, il le sait. Il ne s’est pas beaucoup caché, fréquentant assidument les lieux de drague extérieure et surtout les saunas, l’après-midi et au hasard de ses déplacements professionnels. Honteux, en souffrance, planqué, dans cette vie sociale d’hétéro ? Pas du tout ! 

« Ce cliché du mec très malheureux, je ne l’ai pas ressenti. C’était confortable, je voyageais beaucoup, je m’arrangeais pour que ça ne soit pesant pour personne. » Avant son Rémy, il dit n’avoir ressenti que des montées de désir passagères mais s’était promis de ne pas laisser passer le grand amour s’il devait se présenter. 

Quand il a vu Rémy, qui prenait un café, nu, de dos, au bar du sauna le Double Side, à Lyon, il a eu un coup de cœur. « Sa peau, son dos, son cou, j’ai été comme aimanté. J’ai quand même du ramer pour le ramener dans une cabine puisqu’il sortait d’un plan ! » Il lui a donné son numéro de téléphone sur une carte du sauna (« un truc tellement gay ») et l’a invité à dîner pour le lendemain, dans un vrai bon resto. « J’ai été très direct, j’étais sûr de moi, je voulais une vie à deux, très vite. Lui, gay déclaré depuis son adolescence, était prudent. Il a quitté son mec dans les semaines qui ont suivi, et moi j’ai fait une sorte de transition sociale, j’ai assumé à l’extérieur ce que j’étais, sans me sentir coupable. »

La fin des années hétéro

Est-ce que ça lui a fait peur d’en parler, la cinquantaine venue ? « Je l’ai fait parce que j’ai rencontré Rémy et que je ne m’imaginais pas vivre sans lui. Je l’ai fait pour nous deux, nous avions un projet commun, l’amour rend les choses faciles. »

Dans l’ordre, il en parlé à sa femme qui se doutait de quelque chose, « elle n’a pas trop crisé ». Avant de convoquer ses trois enfants. « Ils n’ont pas été élevés dans la haine des gays, ils m’ont posé des questions très intimes, ils n’ont pas eu de réponse à toutes, je ne suis pas leur pote. Globalement, ils sont cools à ce sujet et ils apprécient mon mari. » 

Une chose l’a marqué dans son ancienne vie comme il dit, du temps où il avait une étiquette d’hétéro : il se souvient d’avoir dû sans cesse recadrer des collègues, voisins, cousins… très haineux. « L’homophobie hargneuse, crasse, envieuse, existe. Je l’ai entendue s’exprimer pendant 30 ans, à la machine à café, au club de randonnée, partout, y compris dans l’immobilier où je bosse, où beaucoup de gays ne se cachent pas. » Envieuse, cette homophobie, mais envieuse de quoi ? « Certains hétéros prêtent aux gays un épanouissement sexuel absolu, ils se font des films, ont parfois une sexualité rare, triste, pauvre, alors ils nous en veulent. »

Au boulot

Pour son coming-out professionnel, dans un milieu qu’il juge « partiellement hostile », il a demandé un rendez-vous aux ressources humaines de sa boite, après avoir longuement discuté avec une bénévole lesbienne de SOS Homophobie d’excellent conseil : « Elle m’a dit de leur parler de la loi. Je ne leur demandais pas leur approbation, je leur ai expliqué ce qui était illégal et je leur ai dit que je leur demanderai leur soutien si j’étais agressé verbalement. Ils avaient tout à apprendre sur le sujet, je leur ai fait lire des livrets de l’association l’Autre cercle.»

Ensuite, il l’a dit à une collègue open, la plus bavarde de la boite, l’info a circulé. Puis, il a déjeuné en tête-à-tête avec ceux qui le souhaitaient, avant de proposer à Rémy de venir au pot de fin d’année, où tout est resté courtois, « peut-être un peu factice. »

Il ne se perçoit pas comme un modèle, juge qu’il n’a aucun conseil à donner à personne. Pour lui, en parler n’est pas une affaire de courage. « Il faut aborder le sujet quand c’est le moment, à son rythme, quand on se sent prêt. Je l’étais, j’avais les mots pour partager ce bonheur, j’étais épanoui. » Un dernier conseil ? « Ah oui, la famille. Si un membre de votre famille ne vous respecte pas, c’est qu’il n’en valait pas la peine. Et puis la famille choisie des LGBT, c’est tout de même plus solide, plus sincère et surtout bien plus drôle. »

Tu en veux encore ?