Yann de Maison Bergamote : « Je masse tous ceux que personne ne veut masser »

Que vous soyez gros, vieux, avec des cicatrices… Que votre corps ne corresponde pas du tout aux critères de beauté classiques… Que vous n’osiez simplement pas vous rendre chez un masseur, alors que vous en avez envie, Maison Bergamote est là pour vous.

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Comment es-tu arrivé au massage ?

Je me suis un peu perdu professionnellement à mes débuts. J’ai bossé dans la banque où je me suis très vite ennuyé. Avant d’arriver au burn out, je me suis demandé ce que j’avais vraiment envie de faire. La réponse était en fait évidente : je voulais faire du bien aux gens. J’ai donc commencé une formation en école d’esthétique pour obtenir un CAP, option soin du corps. Sans avoir jamais été massé et sans n’avoir massé personne.

Tout de suite, je me suis rendu compte que ce monde était très sexiste. Dans les faits d’abord : sur 300 élèves, il n’y avait que 3 garçons. Et dans le cursus lui-même, le corps de l’homme n’est jamais abordé, on prône la maigreur systématiquement, tout ce qu’on apprend parle de la femme plutôt mince et qui a des moyens… Je voulais faire de mon métier quelque chose qui aide vraiment les gens. Et surtout, tous les gens !

Comment est née Maison Bergamote ?

Elle est née d’un constat amer qui exclut une grande partie de la population. Notamment les personnes LGBT+. On m’a rapporté des expériences que je trouve traumatisantes. Un jour, une table de massage qui ne supporte pas plus de 100 kilos, des personnes transgenres refusées à leur arrivée à l’institut, des commentaires désagréables sur des personnes trop grosses ou trop poilues… Ces expériences ne sont malheureusement pas rares. Le pire, c’est que certaines personnes n’osent même pas prendre rendez-vous alors qu’elles en rêvent.

En février 2020, un mois avant le confinement : c’est le lancement de Maison Bergamote. Excellente date pour lancer une affaire ! (Rires) J’en ai alors profité pour peaufiner le projet. Maison Bergamote est devenu un institut de massage LGBT+. Ça n’existait même pas… Le bien-être des LGBT+ n’existe pas et on n’en parle pas. C’est un secteur en France réservé majoritairement aux femmes cis blanches qui sont plutôt minces et qui ont des moyens. Je voulais créer un massage safe pour toutes les personnes LGBT+. Mon mantra : tu viens comme tu es…

Qui est ta clientèle ?

Chez Maison Bergamote on se sent chez soi ! J’ai commencé en me déplaçant d’abord (avec mon sac à dos, de l’huile et deux serviettes). Je n’avais pas de table de massage. J’ai créé un compte Insta pour ma prise de rendez-vous. Dès le début, tous les créneaux sur 3 semaines se sont très vite remplis : c’était clair, il y avait une vraie demande. Puis j’ai trouvé un local dans le 18e arrondissement de Paris. J’ai eu beaucoup de chance… J’ai investi dans une table de massage adaptée à tous les corps.

J’ai eu d’abord une clientèle de lesbiennes qui ne voulaient pas se faire masser par n’importe qui, de personnes transgenres qui avaient de vraies difficultés à aller dans des instituts et des femmes alliées qui ne se retrouvaient pas dans les stéréotypes de la massée classique. Les gays sont arrivés ensuite… Pas assez je trouve mais l’image du massage chez les gays est très particulière, voire connotée. Ma clientèle est plutôt jeune. Je masse les personnes en situation de surpoids, j’ai une table spéciale…

Tu as abandonné le tarif libre pour un tarif unique à 70 euros l’heure. Pourquoi ?

Au début, j’étais en prix libre de manière à ce que les gens qui avaient des moyens, puissent permettre à d’autres, plus modestes de se faire masser. J’annonçais un tarif conseillé entre 50 et 70 euros. Et je me suis aperçu que c’étaient les personnes qui gagnaient le plus d’argent qui donnaient le moins.

Je me souviens d’une femme qui avait un sac de marque hors de prix, qui me dit « Oh, c’est le meilleur massage de ma vie ! », et qui a osé ne laisser que 45 euros. Et paradoxalement, des massés plus précaires mais qui appréciaient la démarche du massage solidaire donnaient beaucoup plus.

Face à l’injustice de cette situation, j’ai aujourd’hui, un tarif unique à 70 euros pour une heure de massage. Et ça reste quand même un des massages les moins chers du marché. Mais je n’ai pas abandonné l’idée de solidarité qui m’est si chère, je propose à chacun de mes massés de laisser un peu d’argent dans La Caisse de solidarité pour le bien être des LGBTI pour permettre aux personnes en difficultés de profiter de mes services.

Pour prendre rendez-vous chez Maison Bergamote : sur le site ou sur Instagram en MP

Tu en veux encore ?