Ciné : “Animals”, la haine homophobe à l’état brut
Adapté d’un fait divers homophobe qui a secoué la Belgique par sa violence irraisonnée, « Animals », de Nabil Ben Yadir est de ces films qui ne laissent pas indemnes…
“On n’est pas des animals !” On n’entend pas cette phrase dans le film de Nabil Ben Yadir, et pourtant elle lui donne son titre. “On n’est pas des animals”, c’est ce que dit, lors de son procès, l’un des accusés du terrifiant crime homophobe qui a inspiré Animals et qui a secoué la Belgique en 2012.
“On n’est pas des animals”, et pourtant, c’est bien un déchaînement de violence animale que filme le réalisateur, créant un moment de cinéma tétanisant comme on en connaît peu : une haine, une bêtise, une inconscience à l’œuvre pour détruire un jeune homme juste pour ce qu’il est. Un gay. Un homo. Un pédé. Une lope dont on peut rire, moins qu’un homme qu’on peut donc faire souffrir juste pour le fun.
Avant cela, avant d’en arriver à cette séquence qui dure on ne sait combien de temps et qui nous laisse épuisés et pantois, il y a ce qui y conduit et qui n’est qu’une succession de hasards.
Il y a Brahim, beau brun trentenaire, qui rejoint sa famille dans la maison de ses parents pour célébrer l’anniversaire de sa mère. Il est aux aguets, il attend on ne sait pas trop quoi jusqu’à ce que l’on comprenne qu’il s’agit de son boyfriend. Il est inquiet, il a prévu de le présenter comme un “collègue et ami” car personne ne connaît leurs liens à part sa bienveillante sœur et son frère, bien plus hostile.
On croit que c’est ici que le drame va se nouer, dans ce conflit familial qui couve avec le frère aîné. Ce n’est qu’une fausse piste puisque Brahim s’en va, préférant fuir la confrontation. Peut-être est-ce parce qu’il se sent si lâche à ce moment-là qu’il va faire preuve ensuite d’un courage insensé un peu plus tard, devant un bar gay où il prend la défense d’une fille que trois mecs en voiture importunent. La tragédie est en marche. Plus rien ne l’arrêtera.
Au-delà de la force de son sujet, Animals est un formidable objet de cinéma tant le metteur en scène use de toutes les ressources de son art pour raconter son histoire. Il nous embarque avec Brahim dans cette bagnole qui fonce dans la nuit, il nous place dans la position de voyeurs, celle d’agresseurs qui filment les tortures qu’ils font subir avec leur portable. Il saisit la folie d’une l’époque où la douleur et la mort sont appréhendées comme dans un jeu vidéo.
Animals n’est pas un plaidoyer contre l’homophobie, ni contre la bêtise. Il n’y a pas de discours. Juste des actes, des images. Des garçons qui frappent et un autre qui meurt sous leurs coups. C’est un constat. Et c’est d’autant plus brutal. Un coup à l’estomac et à l’âme. Un grand film.