Le Gnome, le photographe qui aime faire rire ses modĂšles
Jean-CĂŽme a choisi un nom dâartiste plutĂŽt drĂŽle : Le Gnome. Et pourtant, câest trĂšs sĂ©rieusement quâil aborde son Ćuvre. Ce boulimique de travail nâarrĂȘte pas. On aime le calme qui ressort de ses photos, pour mieux en deviner la tempĂȘte crĂ©ativeâŠ

DâoĂč vient ton inspiration en gĂ©nĂ©ral ?
Le monde est une inspiration en soit. Il suffit souvent de prendre la peine dâouvrir les yeux pour voir quâon est entourĂ© de beautĂ©s et dâhistoires qui ne demandent quâĂ ĂȘtre racontĂ©es. La photographie permet de capturer ces instants, comme des capsules temporelles dâhistoires.

Câest en voyageant en solitaire aux quatre coins du monde que jâai rĂ©alisĂ© ça : une photo ce nâest pas quâune image, câest une histoire. Un Ă©clat de rire, un regard furtif, un mouvement qui est dĂ©jĂ fini. Jâai tout de suite rĂ©alisĂ© le pouvoir dâinterprĂ©tation que cela reprĂ©sente. Un peu comme pour la Joconde, on se demande pourquoi et Ă qui cette personne sourit. Une photo nâest jamais quâune simple photo. Câest un roman. Jâai vĂ©cu des choses trĂšs fortes en voyage, que je nâai pas photographiĂ©es par pudeur et par timiditĂ©. Je le regrette parfois, ces histoires perdues Ă jamais⊠Câest aussi pour ça que jâĂ©cris beaucoup, une autre façon de les immortaliser.
Dans ton travail, le regard de tes modĂšles est trĂšs important. Il capte presque plus lâattention que le corps en lui-mĂȘme des modĂšles. Câest voulu ?
Ăvidement ! Quand on me demande ce que je regarde en premier chez un homme, ça surprend parfois quand je rĂ©ponds les yeux, puis le sourire. Je peux vous dire la couleur des yeux de tous mes proches, crushs, modĂšles, sans la moindre hĂ©sitation. Le regard fait tellement tout ! Je pourrais Ă©crire des pages sur les yeux bleus, parfois acier, parfois lagon, sur les yeux bruns, parfois noisettes, parfois charbon, sur les yeux verts, parfois forĂȘt, parfois Ă©claboussĂ©s dâambre.
Mais, câest assez marrant, jâai en tĂȘte une personne par exemple, dont jâadore le regard (de grands cils noirs et Ă©pais, un regard bleu roi, une barbe drue et noire, des cheveux en dĂ©sordre) mais qui refuse systĂ©matiquement toute proposition de photos car il est rond. Câest aussi la triste rĂ©alitĂ© : confrontĂ©es Ă des comptes comme le mien qui ne montrent que des hommes aux corps sculptĂ©s, les personnes ânormalesâ ou rondes dĂ©veloppent des complexes et refusent de se faire photographier.
Dans de nombreuses sĂ©ries, tes modĂšles sourient (voire rient). Câest plutĂŽt rare dans la photographie. Quâest-ce que ça raconte ?
Haha ! Oui jâen reviens Ă ce que je disais juste avant : les yeux et le sourire ! Un sourire, ça Ă©claire le regard, le fait briller et ça le rend vivant. Câest un ensemble ! Souvent je suis obligĂ© de feinter pour capter un sourire, en racontant des bĂȘtises, en faisant des blagues nulles. Je ne suis pas trĂšs directif dans mes photoshoots, parfois les modĂšles ne savent pas quoi faire. Jâessaie de travailler dessus. Mais jâessaie toujours de les faire rire !
Tu fais beaucoup de nus⊠Quel est ton rapport à la nudité ?
Câest beau un corps. Tout simplement. Nous sommes un miracle de lâĂ©volution. Câest assez fantastique de regarder un corps nu. Câest aussi pour ça que jâaime autant les corps trĂšs musclĂ©s : voir les fibres musculaires, voir oĂč ils sâattachent aux os, voir comment ils articulent un squelette. Ătre nu est une marque de confiance. On ne peut pas tricher en Ă©tant nu. On ne peut quâĂȘtre soi, dĂ©pouillĂ© du superflu. Et puis, câest beau un pĂ©nis aussi.
Quelle est lâhistoire des « Improbables voisins » ?
Dans mon ancien appartement, jâavais un vis-Ă -vis improbable, avec deux couples gays trĂšs beaux, et tout un tas dâautres hommes et couples hĂ©tĂ©rosexuels trĂšs beaux eux-aussi. Je lâai rĂ©alisĂ© lors des premiĂšres canicules oĂč tout le monde vivait les fenĂȘtres ouvertes. Jâavais dĂ©jĂ Ă lâĂ©poque cette idĂ©e de capturer des moments improbables (voir honteux) que lâon fait chez soi lorsque lâon croit que personne ne nous voit. Puis quand jâai dĂ©mĂ©nagĂ© dans un rez-de-chaussĂ©e sur cour et que jâai pu photographier des gens Ă la fenĂȘtre, jâai commencĂ© par deux amis et moi, pour voir. Ăa a beaucoup plu et jâai continuĂ©. De plus en plus, jâessaie de raconter des histoires entre les fenĂȘtres et les Ă©tages, mais câest trĂšs compliquĂ©âŠ
On adore tes photos de shibari. Comment se passe un shooting aussi technique ?
Tout le mĂ©rite revient au modĂšle ! @adamparis2222 mâa dit quâil voulait faire des photos dans ce style. Il avait dĂ©jĂ repĂ©rĂ© lâartiste sur Instagram et lâa contactĂ©. Il a ensuite organisĂ© une rencontre dans un bar. On sâest retrouvĂ© tous les trois, câest la premiĂšre fois quâon se rencontrait. Tout sâest trĂšs bien passĂ©, mais câĂ©tait trĂšs long ! Lâartiste shibari est hĂ©tĂ©rosexuel et nâavait jamais nouĂ© un homme, câĂ©tait donc trĂšs intĂ©ressant pour lui ! Jâavais fait une planche de style sur le type de nĆuds que je voulais, donc il avait une idĂ©e assez prĂ©cise de ce quâon allait faire. On a fait trois « nouages » diffĂ©rents. Faire et dĂ©faire prend du tempsâŠ