Livres LGBT : nos 5 coups de cœur du mois

Des bears, un boxeur, les joies de la prostate, un amour adolescent et la jeunesse au temps du sida : Jock vous propose des lectures très variées pour accompagner cette froide fin d’hiver…

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Roméo et Roméo

Mungo livre gay stuart douglas

Faire de lui un homme. Voilà ce qui attend Mungo, un adolescent écossais sans doute trop sensible, lorsque sa mère l’envoie passer un week-end à la pêche en compagnie de deux inconnus, deux brutes viriles qui ont promis de lui apprendre à attraper les poissons, à faire du feu, à boire entre mecs… Ce week-end est le point de bascule dans la vie du jeune homme, tout comme il est le cœur de ce roman, le second de son auteur après le beau Shuggie Bain.

Pourtant, en dépit de tout ce qui s’y déchaîne, il ne représente qu’un aspect de l’histoire de Mungo, garçon trop tendre pour ce monde où les adultes se déchirent entre catholiques et protestants, garçon attentionné envers sa mère alcoolique, garçon amoureux d’un autre adolescent aux oreilles décollées, garçon forcé à grandir presque malgré lui… Il y a du Roméo et Juliette dans ce livre vibrant qui se déroule dans les milieux ouvriers du début des années 1990,

Douglas Stuart, Mungo, éd. Globe, 24 €.

Ring

Panama-Al-Brown Eduardo Arroyo

C’est un destin comme il en existe peu, celui d’un boxeur noir homosexuel devenue l’une des idoles de la France du début du siècle dernier. Panama Al Brown fut champion du monde et il possédait des coups de génie pour s’imposer sur le ring. Mais il fut aussi l’amant et un des grands amours de Jean Cocteau, une star à une époque où le racisme était de rigueur, un roi de la nuit parisienne…

Ce parcours incroyable fut celui d’une météorite : le bel et élégant Panama meurt dans la misère, oublié de tous, à New York, à 48 ans. Que s’est-il passé ? C’est ce que retrace cette biographie amoureuse, précise et fascinante.

Eduardo Arroyo, Panama Al Brown, éd. Grasset, 12,50 €.

Bienvenue en ville !

santa frances bd gay kone

Vous rêviez d’une version bear et un peu hard des Chroniques de San Francisco ? Votre vœu est exaucé par Jean-Frédéric Koné avec ce premier volume de Santa Frances, une BD qu’il a d’abord publiée sur le web avant d’en tirer cette édition papier.

On y suit avec plaisir les aventures de Cobb, trentenaire timide débarquant à Santa Frances, ville fictive qui ressemble fort à San Francisco, où il va faire des dizaines de rencontres amicales, sentimentales et plus si affinités… Le dessin est affirmé et très hot par endroits, le récit plein de rebondissements, les héros attachants. Bref, difficile de résister à tant de charme poilu…

Jean-Frédéric Koné, Santa Frances, éd. Chaumington, 25 €.

Nos amis, les hétéros

Pourquoi les hommes hétéros ont-ils du mal à avouer que, parfois, ils prennent plaisir à se faire pénétrer ? Autant dire que ce qui semble naturel aux gays est loin de l’être pour les straights… C’est le constat que dresse dès sa première page cet album didactique et ludique en indiquant qu’en 2019, la moitié des hétéros reconnaissaient s’être faits pénétrer par leur partenaire féminine… mais que seulement 4% sont prêts à l’évoquer publiquement. Bref, la plupart sont dans le placard.

Partant de ce constat, les deux auteurs ont cherché à comprendre pourquoi ce tabou persiste, avec tous les préjugés qui vont avec (perte de virilité et autres idioties), et donc les rétentions de plaisir qui s’ensuivent. C’est sans doute instructif pour les hétéros, ça n’en est pas moins intéressant pour les homos : parce que ça nous permet de mieux comprendre nos amis straights, mais aussi parce que ça rappelle à qui l’aurait oublié (est-ce possible ?) les plaisirs sans cesse renouvelés liés à la prostate. C’est plein de graphiques et d’infos, et ça ne manque pas d’humour, ce qui ne gâche rien.

Martin Py, Zoé Redondo, L’Homme pénétré, éd. La Boîte à bulles, 20 €.

Aux amis disparus

95 joanny

“Ils tombent les uns après les autres et on les laisse tomber.” Ça commence comme ça. Le précédent roman de Philippe Joanny s’intitulait Comment tout a commencé. Il se déroulait avant celui-ci, avant cette phrase inaugurale qui nous plonge directement, avec la force d’un uppercut, dans cette année 1995, année terrible, année de la mort d’Alex, et de tant d’autres, année où pour Philippe et le reste de sa bande il faut continuer pourtant… drague, drogue, fête, sexe, et la mort tout près. C’est peu dire que c’est bouleversant.

Avec une remarquable économie de mots, l’auteur raconte ce jour de la fin d’Alex, à travers les témoignages de ses amis, à travers ses propres souvenirs. Il nous ramène dans ce Paris gay des années sida, dans ces clubs, ces bars, ces lieux disparus sans laisser de traces, comme tant de ceux qui les fréquentaient. 95 les fait resurgir du néant. Grâce à Philippe Joanny, ils revivent. Et c’est beau.

Philippe Joanny, 95, éd. Grasset, 19 €.

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