Yannick Cosso : « Je cherche à provoquer des réactions chez le spectateur ! »

Scénographe, dessinateur et enfin photographe… Yannick Cosso est un plasticien touche-à-tout. Il travaille le corps à travers ses images, avec des modèles danseurs. Il a accepté de parler de son travail depuis Monaco où il habite.

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Comment passe-t-on de la scénographie au dessin ou à la photographie ?

J’ai souvent fait l’un et l’autre séparément mais pour moi le processus de création est sensiblement le même entre le dessin et la scénographie. J’utilise la photographie seulement comme étape de création, jamais comme finalité d’un projet. En tout cas c’est toujours une question de mise en scène d’un ou plusieurs corps dans un espace, la différence réside dans la manière de le présenter au spectateur à travers une image unique en deux dimensions ou bien dans un spectacle vivant.

Lavender Follies

Ce qui change aussi, c’est la dynamique de travail, je suis généralement seul dans mon atelier quand je dessine alors que les projets scénographiques s’élaborent au sein d’une grosse équipe où chaque décision devient collective.

Alain

Même statique, voire statuaire, vos modèles ont l’air de bouger. Que dit ce mouvement suggéré dans votre iconographie ?

J’oscille dans mon travail entre image fixe et en mouvement, mais c’est toujours pour saisir une partie du réel avec le plus de détails possibles. Ma volonté, dans mes dessins figuratifs, est de donner l’impression que je capture une partie de l’être et de l’image du modèle, et que je le place juste devant le spectateur. Le sujet est toujours représenté dans une action, ou dans une réaction, au cœur du geste, ce qui peut pousser l’imagination de celui qui regarde à créer l’illusion d’un mouvement. Cependant le dessin reste une image arrêtée. En tentant de dépasser cette limite j’ai développé un dispositif qui me permet de réaliser des empreintes de mouvements, en recouvrant une surface de fusain. J’invite alors le modèle, souvent un danseur, à évoluer contre la matière charbonneuse et je capture la totalité de son passage et de ses mouvements. Le dessin reste l’image d’un mouvement mais j’y ajoute la partie performative qui l’active.

Actions Noires

Le noir et blanc est omniprésent dans votre travail. Pourquoi ?

Je pense que cela provient de mon attrait pour la matière du fusain. La sensualité qui émane d’un corps que je dessine se transmet dans la matière que j’applique sur le papier pour le reproduire, amplifiée par le temps que je passe pour obtenir certains détails.

L’emploi du noir et blanc augmente également le contraste et le coté dramatique de la composition où l’ombre et la lumière deviennent essentielles. Dans mon travail plus récent, je m’éloigne parfois du corps et je me laisse séduire par l’emploi de la couleur, vers une possible combinaison de ces différents procédés…

Tobias

Comment construisez-vous les histoires de vos projets artistiques ?

En général, je prépare tout pour recevoir le modèle dans un espace conçu par rapport à ce que qu’il me fait ressentir, ou que j’ai envie de mettre en avant sur lui. Je travaille souvent autour de la notion de contrainte, ou d’entrave, pour tester les réactions, et obtenir des images inattendues. Je place le modèle dans cet espace en lui donnant le moins de consignes possible et je l’observe. C’est lui qui crée son propre portrait, en évoluant dans l’espace que j’ai préparé pour lui. Pour les ballets, c’est toujours l’élaboration des personnages qui dicte le récit.


Adrien – Projet de diplôme DNSEP – Avenue Savorani

En ce qui concerne le projet « Beyond Vladivostok » avec Cerberus, (une collaboration initiée en 2013 entre Jordan Pallagès, le chorégraphe Joseph Hernandez et moi-même), qui mêle récit, dessin, installation, performance et danse sur le thème du roman noir, nous nous sommes inspirés du modèle du cadavre exquis pour construire notre trame narrative : nous avons inscrit des personnages, des lieux, des repères temporels, des actions, et des objets sur des petits morceaux de papier. En piochant au hasard un papier par catégorie, nous avons écrit des petites histoires qui ont formé comme un roman.

Quel est votre rapport à la nudité très présente dans votre travail ?

J’utilise le nu de plusieurs manières selon la finalité du projet. Pour les dessins, le corps est un outil qui dessine, qui retire la matière à la manière d’une gomme. Quand la performance est publique, le modèle se déshabille pour convoquer un certain érotisme qu’il mêle à la matière à mesure qu’il disparaît en elle. Pour certaines séries de dessins figuratifs, j’ai cherché à provoquer une réaction chez le spectateur, à l’inclure dans l’action, à le positionner en voyeur. Le modèle mis à nu incarne alors les notions de vulnérabilité, d’intimité cachée ou dévoilée, de rapport de force entre l’artiste, le sujet et le spectateur.

Actions Noires

Avez-vous des projets en cours ?

Je suis en ce moment en préparation de plusieurs expositions pour la fin de l’année, c’est donc surtout du travail en atelier. Deux de mes dessins sont exposés à Paris dans l’exposition LE NU MASCULIN – A Group Show, du 21 mai au 9 juillet 2022 à la Galerie du Lendemain. Parallèlement dans le cadre de ma résidence au Logoscope à Monaco, je participe au programme IN HORTUS (recherche patrimoniale et de création plastique autour du thème du Jardin, de Monaco et de la Cote d’Azur). Mon projet Hortus Conclusus traite du jardin privé/jardin secret et mêle dessin, installation et performance dans les jardins secrets de la principauté et de ses environs.

Vous pouvez retrouver le travail de Yannick Cosso sur Instagram

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