Rencontre avec Jonathan Louis à l’affiche de “5 Guys Chillin'” au Théâtre Clavel

« 5 Guys Chillin’ », la pièce coup-de-poing sur le chemsex, revient pour une nouvelle saison au Théâtre Clavel à Paris. Jock.life a rencontré l’acteur Jonathan Louis qui reprend le rôle de Medhi.

Publié le

Quel est ton parcours ?

Je suis un garçon originaire d’Auxerre qui a voulu suivre son rêve à Paris. J’ai fait une formation chant-danse-théâtre à l’Institut des arts de la scène. C’est l’école d’où est issu Eddy de Pretto. Je me forme actuellement à la production parce que j’ai pour but d’emmener 5 Guys au cinéma. J’ai sorti mon single Éprouvant Amour il y a un an et je suis en train de préparer mon album avec Thomas Monica qui collabore avec Mathieu Chédid.

Comment se passe la reprise de la pièce 5 Guys Chillin’ ?

La reprise se passe très, très bien : on est même surpris de faire de très bonnes salles en cette période. Les gens s’intéressent à de vrais sujets, des justes causes. Et le théâtre, c’est ça à la base… C’est en tout cas ce que faisait Molière.

Tu es souvent nu sur scène. Est-ce que tu es pudique ?

Je suis quelqu’un de très pudique. J’ai pris la nudité comme un exercice de confiance en soi. Je voulais voir mes limites en tant qu’acteur. Heureusement, je ne suis pas particulièrement complexé. Offrir la nudité aux spectateurs est quelque chose de beau aussi…

Comment as-tu appréhendé le rôle de Mehdi ?

Le rôle de Mehdi me touche particulièrement : il retrace un peu mon parcours. Je suis un gamin du Foyer de l’enfance et j’ai grandi avec une famille d’accueil marocaine. Je connais la culture musulmane : c’est vraiment un personnage qui me parle. J’avais peur qu’en étant « Jonathan Louis », on puisse dire que je faisais de la réappropriation culturelle. Avec mon parcours, je peux en parler. C’est important pour moi de mettre en lumière la représentation du musulman gay dans la société. Ce n’est pas évident d’en parler. Et de l’être. Le sujet est hyper tabou et le rôle l’aborde très bien. Et si ça peut permettre de libérer la parole…

Connaissais-tu le chemsex avant de te lancer dans l’aventure ?

Je ne connaissais pas du tout le chemsex. Je suis un grand fêtard. Je vais souvent en boite de nuit. Je connaissais un peu cette relation entre la drogue et les fêtes mais je ne connaissais pas le phénomène de la prise de drogue pour le sexe. J’ai fait une immersion dans le monde du chemsex parce que je considère que c’est important avant de te lancer dans un tel projet, de savoir de quoi tu parles. Je me suis aperçu que j’avais pas mal d’amis en lien avec ce réseau-là. Avec le confinement, c’est devenu très alarmant : le slam (prise de drogue par injection) s’est énormément démocratisé. À chacune des expériences auxquelles j’ai pu participer, au moins un des participants était slammeur. C’est énorme, comparé à il y a trois ans. Et je tiens à préciser qu’on n’est pas là pour juger.

Toucher et se faire toucher sur scène était-il facile ?

Sur la première saison, on a fait six mois de répétitions pour maitriser le travail du corps à corps par exemple, comment apprendre à se toucher parce que ce n’est pas évident d’avoir une telle liberté. On ne se donne autant en général que dans ses plans ou dans ses relations amoureuses… Dans la première saison, on était tous en couple. On n’avait pas de rapports malsains… Tout était bienveillant.

5 guys chillin theatre clavel
©Alexandre-Mahé

Quels sont les retours du public ?

En fait, ça dépend du public. On a de plus en plus un public féminin qui se sent concerné par les problèmes liés au GHB. On peut avoir, certains soirs, des chemsexeurs qui rient tout au long du spectacle parce qu’ils connaissent les références, le champ lexical et en même temps, des gens qui ne connaissent pas du tout le sujet et qui sont silencieux, captivés, qui rient plus discrètement. Le mélange est très intéressant. Il permet d’ouvrir le débat. Et j’invite les politiques à venir voir la pièce pour qu’ils puissent aborder le sujet en toute connaissance de cause…

Est-ce que tu te sens avoir un rôle au sein de la communauté ?

C’est d’abord la communauté qui me soutient. C’est ma communauté. C’est eux que je défends. C’est important pour moi. D’ailleurs, l’association Aides est partenaire de la pièce et je travaille avec le Spot Beaumarchais qui ramène beaucoup de chemsexeurs pour les aider dans l’accompagnement. La pièce est pédagogique… Elle rappelle aussi la réalité. Elle explique aussi qu’il ne faut pas critiquer parce que la personne qui est dans le chemsex peut être dans le désarroi total et la critique n’aidera pas ces personnes fragiles… Il ne faut pas avoir honte de dire : « J’ai besoin d’aide ! ».

Tu as des projets ?

Je vais attaquer une résidence d’écriture où j’aimerais justement proposer 5 Guys Chillin’ en scénario. Et je vais m’atteler à la sortie de mon album, dont le premier single, Éprouvant Amour, est sorti il y a un an. Thomas Monica m’a démarché pour qu’on travaille ensemble… Je vais chanter une chanson qui s’appelle Fierté qui sera très symbolique de ce que j’ai vécu notamment avec mon coming out… qui s’est plutôt bien passé dans cette famille musulmane. J’insiste.

5 Guys Chillin’ de Peter Darney, mis en scène par Christophe Garro. Avec Vincent Vilain, Lionel Rousselot, Jonathan Louis, Fabien Gaertner, Benjamin Lousse. Les mardis et mercredis à 21h30 au Théâtre Clavel (Paris 19e).

Tu en veux encore ?