« Les Producteurs » d’Alexis Michalik : on a assisté aux dernières répétitions de cette comédie musicale follement irrévérencieuse

Le film de Mel Brooks est culte. Le musical inspiré de ce film l’est tout autant. Le metteur en scène prodige, Alexis Michalik, s’attaque à ce monument d’humour au Théâtre de Paris à partir du 26 novembre. Nous avons assisté à l’une des ultimes répétitions et c’était tout simplement bluffant !

Publié le

Même le triomphe du musical Hamilton n’a pas fait vaciller le record des Producteurs : à ce jour, la pièce de Mel Brooks et de Thomas Meehan (à qui l’on doit, entre-autres, les livrets de Hairspray ou Cry-Baby) a reçu le plus grand nombre de Tony Awards (un peu les Oscars de Broadway), de l’histoire de ces prix… Et quand on sait que le film de Mel Brooks dont est issu le spectacle, date quand même de 1967, on saisit mieux à quel point, cette production est mythique dans la culture du musical américain.

On comprend d’ailleurs pourquoi Stage Entertainment, la boîte de prod à qui l’on doit Le Roi Lion, Cabaret ou Chicago, s’est associée à une personnalité de la taille d’Alexis Michalik pour la mise en scène : le jeune prodige, encore auréolé des succès d’Edmond et du Porteur d’histoire qui font toujours salle comble, s’est attelé brillamment à la tâche pour une version française qui est à la hauteur de l’événement…

Pour ceux qui découvriraient Les Producteurs, l’histoire se situe à Broadway, en plein âge d’or des comédies musicales, quand les critiques faisaient ou défaisaient la carrière des metteurs en scène. Max Byalistock est l’un d’eux et vient d’essuyer un nouvel échec. Son comptable, Leo Bloom lui fait remarquer que les flops peuvent faire gagner beaucoup plus d’argent que les tops. Ils décident donc de monter le pire musical de l’histoire…

Un casting à l’alchimie parfaite

À quelques jours des premières représentations publiques des Producteurs, il règne dans les coulisses du Théâtre de Paris une joyeuse effervescence. Les comédiens s’échauffent et chèckent leurs costumes (plus de 200 au total). L’ambiance est studieuse mais bon enfant. Tout le monde semble avoir pris ses marques. Dans la salle, Alexis Michalik prend le micro pour annoncer à sa troupe et au musiciens (ils sont 7 en live) le début du filage dans moins de dix minutes. Car la répétition du jour se fait dans les mêmes conditions que la première, devant une petite poignée de privilégiés. Et clairement, nous avons eu du mal à nous dire que nous assistions à un simple filage tant le spectacle nous a semblé déjà bien rodé.

Il faut dire que dans cette version française des Producteurs, le casting est de premier choix, déjà prêt à rencontrer le public. Quand on voit Serge Postigo et Benoit Cauden, on ne peut s’empêcher de penser qu’on a là, un duo du même acabit que Nathan Lane et Matthew Broderick, qui ont créé les rôles à Broadway. L’alchimie fonctionne et ils nous embarquent dans leur Broadway parisien sans complexe et avec toute la tenue impeccable nécessaire aux grands rôles comiques… Mention également toute particulière pour Andy Cocq qui interprète une Carmen Ghia flamboyante et pour Régis Vallée, hilarant, qui porte le short en cuir à merveille…

Un musical politiquement incorrect

Mel Brooks, c’est Blanche Gardin avant l’heure. Un esprit aussi brillant qu’irrévérencieux pour notre plus grand bonheur. Et à une époque où l’on a l’humour plutôt aseptisé, Les Producteurs tombe à point nommé pour mettre un peu de poil à gratter sur nos sièges. Car pour son premier film qui est devenu, 30 ans plus tard, sa première comédie musicale, Mel Brooks a puisé très loin dans son esprit burlesque et complètement dingue : ses deux héros ont, en effet, l’idée de produire une comédie musicale bien kitsch… sur Hitler ! 

Nous sommes à la fin des années 1960. Mel Brooks, le petit juif de Brooklyn a osé… et il fait mouche. En 1969, il gagne pour son film l’Oscar du meilleur scénario, coiffant au poteau Stanley Kubrick et John Cassavetes… En 2001, il persiste et signe en chansons. Son adaptation en comédie musicale (qui donnera lieu à un remake au cinéma en 2005) remporte ainsi 12 Tony Awards dont celui du meilleur spectacle et de la meilleure musique, musique qu’il a lui-même composée. Un succès historique pour ce musical qui s’attache à rendre encore plus dingue le propos du film. Nous n’en dirons pas plus pour ne pas spoiler la deuxième partie du spectacle mais vous aussi, vous serez glacés par les quelques secondes qui précèdent l’arrivée d’Hitler… Avant d’exploser de rire… Du pur Mel Brooks ! Irrévérencieux.

Keep it gay !

Dans le musical (comme dans le film d’ailleurs), le metteur en scène embauché par le couple Max et Leo est gay. Son arrivée, dans une robe somptueuse, est remarquable. Et le fait que Mel Brooks lui associe Carmen Ghia, plus folle que jamais, donne le ton. Même si les personnages frôlent la caricature, on rit beaucoup de cette peinture camp du milieu théâtral. Et que dire de ce tableau déjà culte où les personnages chantent à l’unisson « Reste gay !».

Car dans Les Producteurs, pas de second degré ou de sous-entendus, on y va franco. Avec Mel Brooks, on peut rire de tout. Et on ne s’en prive pas… Alexis Michalik l’a bien compris. Pourquoi se priverait-il de ces ressorts d’humour caustique qui n’ont pas pris une ride ? Oui, Les Producteurs est aussi un musical queer…

Les Producteurs, de Mel Brooks et Thomas Meehan, mis en scène par Alexis Michalik. Théâtre de Paris, à partir du 26 novembre.

Tu en veux encore ?