JaJ & The Family Hope : “Mon rêve ultime pour les Antilles : que l’homosexualité y soit banalisée”

Avec « Nourris-moi », son nouveau clip réalisé par Carlos Gomez Barker, JaJ and The Family Hope a choisi de répondre à l’invisibilisation des couples gays et racisés. JaJ et sa Family Hope nous invite dans l’intimité d’un couple et nous parle de ces histoires d’amour qui se font et se défont, au travers de gestes simples et de moments du quotidien qui rassemblent tous les couples. Pour JocK.Life, JaJ répond à quelques questions.

Publié le

Johan-André Jeanville, alias JAJ, est né à Paris et a grandi en Martinique. Il s’est d’abord essayé à une carrière sportive. Pro de l’athlétisme et plus particulièrement du saut en hauteur, ses performances l’emmènent dans de nombreuses compétitions qui lui font décrocher un titre de champion de France avant d’intégrer les équipes officielles de France et de Martinique. Attiré par la musique depuis son plus jeune âge, il a décidé de mettre le sport de côté pour se consacrer à sa passion à travers JAJ & The Family Hope.

Aujourd’hui, il nous présente son nouveau clip Nourris-moi avec un message fort, enrobé d’une tendre complicté entre deux garçons antillais. Une véritable ode à l’amour. 

Après avoir été choriste (pour Camélia Jordana notamment), vous choisissez de voler de vos propres ailes avec JAJ & The Family Hope. Comment est née cette formation et pourquoi ce nom ? 

Je travaille sur certaines des chansons de Jaj & The Family Hope depuis 2011. Mais c’est en 2018 que tout s’est accéléré : j’avais alors une quinzaine de compositions de prêtes. Je me suis rendu compte qu’ensemble, elles décrivaient un cycle émotionnel, teinté d’espoir. Comme une photographie qui nous invite à voir la vie, comme une fresque multicolore et à en accepter toutes les couleurs.

Ma musique a alors énormément changé, j’y ai incorporé des rythmes caribéens, je me suis entouré de musiciens, ma Family Hope… et ça y est Jaj & The Family Hope était né !

Jaj & The Family Hope, c’est un clin d’œil à Sly & The Family Stone, un groupe qui a joué à Woodstock et qui joue une musique soul et métissée. Comme la mienne. Et c’est un vœu d’espoir et de rassemblement, pour les musiciens de mon groupe mais aussi pour le monde. S’accepter ensemble comme une grande famille qui, malgré ses différences, vivrait sous le signe de l’espoir : « It gets better ! »

Quelle a été votre source d’inspiration pour écrire la chanson Nourris-moi ?

Musicalement, Nourris-moi se nourrit de soul, de blues et des musiques contemplatives où l’harmonie musicale et la lenteur du tempo évoquent le calme puissant des émotions profondes. J’adore Sigur Ros, par exemple, mais aussi Richard Smallwood, un compositeur gospel qui a écrit des prières puissantes et merveilleuses, comme Total Praise ou Calvary. J’ai mis un peu de tout ça dans Nourris-moi. Beaucoup d’émotions et d’envie d’évasion.

Comment s’est passé le tournage et la réalisation du clip ? Avez-vous une anecdote à nous raconter ?

J’ai eu l’immense bonheur de croiser Carlos Gomez Barker, un réalisateur talentueux et un peu fou, sur ma route. Ça tombait très bien, la folie et le talent sont certainement mes qualités préférées chez les artistes ! Il a eu cette brillante idée de représenter les émotions à travers la nourriture, et de raconter cette histoire d’amour. Ensemble, on s’est dit qu’il fallait absolument représenter un couple d’hommes antillais, que c’était important et précieux pour le monde.

Une amie m’a mis en contact avec Claudy Corvo, un comédien d’origine guadeloupéenne, beau comme un dieu et adorable comme la brise au printemps. Ça y est : mon mari était trouvé ! Ou plutôt mon futur ex-mari, puisque les histoires d’amour finissent mal, en général… Le tournage en lui-même a été très intense. D’autant que j’ai été opéré sous anesthésie générale entre les deux journées de tournage… J’aurais pu choisir d’autres dates, mais il faut croire que j’aime les défis !

Et il y avait beaucoup de nourriture, énormément de nourriture ! Il y avait au moins 20 plats et des desserts et beaucoup de boissons et un tas d’autres choses… Le citrate de bétaïne a été mon meilleur ami les jours suivant le tournage. Et on a ensuite distribué la nourriture en trop autour de nous, faute de pouvoir réunir tout le monde pour un big repas !

Le clip met en scène un couple de garçons antillais. Quel est votre point de vue sur la représentation actuelle des couples LGBT+ racisés ?

Il est assez simple : on a énormément besoin d’être davantage représentés.
Malgré nous, la culture définit les contours de nos imaginations, de nos possibles. Il est important que les LGBT+ racisés puissent s’imaginer comme faisant partie du monde et comme étant acceptés par celui-ci.
Le monde a vraiment changé et évolué dans le bon sens, c’est vrai.
Je suis heureux quand je vois un dessin-animé comme Kipo (NDLR : diffusé sur Netflix), dont l’un des personnages principaux est noir et homosexuel, dans un monde où c’est, non pas toléré, mais accepté autant simplement que le fait d’être hétérosexuel, marié avec deux enfants. Comme une forme de banalité merveilleuse.

C’est un peu mon rêve ultime pour les Antilles. Que l’homosexualité y soit banalisée. Mais c’est une longue route. Alors, en attendant, je me réjouis des artistes LGBT+ racisés qui, non seulement se mettent à l’honneur, mais entraînent dans leur sillage leurs semblables: je pense à Gazelle Von Lear et à ses soirées Black Excellence, à Kiddy Smile, et à la scène voguing, ou à Mike Fédée.

Et je suis aussi heureux que des alliées cisgenres et (à priori) hétérosexuelles mainstream révèlent également les talents LGBT+ racisés pour ce qu’ils sont et pas pour ce qu’on leur demande trop souvent d’être (c’est à dire invisibles): je pense à Yseult, et à sa prestation aux Victoires de la Musique, ou à Aya Nakamura, sur le clip de Pookie.

Après, au niveau local, en Martinique, beaucoup reste encore à faire, même si la génération actuelle a grandement changé. J’ai connu les injures homophobes à un seul endroit de la planète : chez moi. Et c’était triste. Merci donc aux associations, comme Kap Caraïbe ou Diivineslgbtqi+ qui s’efforcent, chaque jour, de créer une Caraïbe où les LGBT+ seraient, enfin, pleinement acceptés.

Avez-vous d’autres projets artistiques en préparation ?

Bien sûr, on a enchainé sur le tournage d’un nouveau clip pour un titre qui va sortir au printemps. On a, cette fois-ci, mis la danse à l’honneur. Donc j’espère que vous êtes prêt à bouger vos hanches !!! Ce titre annonce un EP qui va sortir le mois suivant et un dernier titre, également festif, prévu pour l’été !

Regardez :

Tu en veux encore ?