Intégrale « Absolutely Fabulous » sur Canal+ : pourquoi on est toujours aussi fan de Patsy et Edina

L’une est brune, boulimique et obsédée par les régimes, patronne d’une agence RP dans la mode, elle ne jure que par Christian Lacroix, se noie dans un verre d’eau et se fait gronder comme une ado par sa fille. Et elle boit, beaucoup. L’autre est blonde, vaguement journaliste, elle toise le monde du haut de ses talons et ne supporte personne, son chignon vertigineux est l’équivalent côté drogues du sac à main de Mary Poppins. Elle ne mange plus (« depuis 1973 ») mais elle boit, beaucoup.

Quand Edina Monsoon et Patsy Stone débarquent sur la BBC Two le 12 novembre 1992, elles ne se doutent pas qu’elles vont devenir un vrai phénomène de société. Sous ses allures de sitcom low-cost mal fagotée avec générique rock FM un peu hors d’âge, Ab Fab, pour les fans, devient très vite une série-phare du politiquement incorrect.

OK Boomer

Les deux personnages de quadras sont incarnés par Jennifer Saunders (créatrice de la série et actrice comique très connue Outre-Manche pour le duo qu’elle formait avec l’irrésistible Dawn French) et Joanna Lumley (comédienne de télévision et de cinéma qui était jusqu’alors avant tout connue pour son interprétation de Purdey dans le cultissime Chapeau melon et bottes de cuir de 1976 à 1977). Edina et Patsy représentent cette génération de « boomers » qui a mordu à pleines dents dans l’époque hippie et tout ce qui va avec (drogues et sexualité libérée) sans jamais décrocher. Hors de question, aussi, de s’installer dans une vie adulte. Les quelques scènes de flashbacks enfumés des années 70 en témoignent. Elles ont toujours été les mêmes (bien que la vie de Patsy Stone soit aussi mystérieuse que celle d’Amanda Lear qui pourrait d’ailleurs être sa cousine française).

Alors que les titres de presse magazine des années 90 fustigent les « adulescents » (les 20-30 ans considérés comme encore trop ados pour être adultes), Absolutely Fabulous va séduire cette génération en leur proposant deux portraits d’adultes ayant l’âge de leurs parents et se comportant comme des gamines capricieuses, obsédées par les plaisirs immédiats, leur pseudo-célébrité et leur peur irrépressible de ne plus être à la mode.

Deux icônes gays

Edina et Patsy, duo de BFF qui aime (dans l’ordre) le champagne, les drogues, les jeunes hommes musclés et la mode, partage tout : l’argent (des autres), une certaine esthétique de la procrastination, le goût des voyages (en France surtout) et une passion pour l’exercice qui consiste à descendre de l’arrière d’une voiture avec chauffeur la tête la première.

Pas très étonnant que la série soit devenue culte dans les communautés gays anglaises, américaines et même françaises. Il n’est pas rare de rencontrer des drag queens très inspirées par la morgue alcoolisée de Patsy Stone. Si la série a toujours été très « gay friendy » et a multiplié les clins d’œil queer (l’ex d’Edina et père de sa fille trop sérieuse à son goût est gay !), elle a surtout réussi à intégrer un comique très « camp » à la John Waters, un mauvais goût tellement assumé qu’il confine à l’exploit. Alors pour échapper à la morosité ambiante, rien de mieux que de se refaire l’intégrale de la série !