Dessins : les bogosses de Hakujin
Cette semaine, rencontre avec Hakujin, un artiste français de région parisienne qui se spécialise dans le dessin homo érotique de type manga, et qui contribue réguliÚrement au collectif de BD adultes « Dokkun ».
Retrouvez le travail de Hakujin dans le Bogossbook volume 2 disponible ici
Hakujin, comment en es-tu venu au dessin ?
Eh bien, réponse classique, j’ai toujours dessiné depuis tout petit. Je lisais et recopiais Mickey, puis Strange, puis Métal Hurlant et Pilote. On peut dire que je n’ai pas quitté le dessin. Du coup, j’ai fait une école d’art où j’ai obtenu le bac F12 (Arts Appliqués) en 1986. Je me destinais à la BD ou à l’illustration mais ça n’était pas très bien vu dans les écoles d’art à l’époque. Le bac en poche, j’ai bossé entre autres dans l’illustration pour t-shirt, le fanzinat et tenté quelques projets de BD qui n’ont pas abouti.
Au sortir de l’armée, un copain du lycée m’a fait entrer dans une boite d’anim’ qu’il quittait et c’est comme ça que j’ai démarré dans ce qui est depuis 28 ans mon métier. J’ai bossé dans différentes boites sur des séries TV telles « Les Aventures de Carlos », « 20.000 Lieues dans l’Espace », « La Grande Chasse de Nanook », « Martin Mystère », « Totally Spies », « Action Man A.T.O.M. » et j’en passe. Actuellement, je travaille sur « Alvin et les Chipmunks », la série en 3D. L’anim’ m’a permis de développer ce que j’ai appris péniblement au lycée au travers d’un média qui me plait, ça m’a permis de progresser plus rapidement et je réinjecte désormais ce savoir, ces techniques dans mes créations, quelle qu’elles soient.
Tu as un style de dessin proche du manga, d’ailleurs ton pseudonyme « Hakujin » est un terme japonais ; quelles sont tes influences ?
Au départ, je dessine plus dans un style comics, je m’inscris dans une veine de dessinateurs au style réaliste tel Alan Davis, Adam Hughes, Stéphane Roux, Stuart Imonem… C’est ce qui me correspond le plus, même si j’apprécie énormément des gens plus graphiques comme Mignola, Sienkewicz, Bruce Timm… Sur internet, j’ai découvert Go Fujimoto, Tagame et Logan et je me suis dit « Il y a un truc à creuser en France ». C’est lorsque j’ai su que Dokkun existait et qu’ils étaient sur la même convention que moi que je suis allé les voir et leur ai dit : « Les mecs, vous faites exactement ce que j’ai envie de faire ! »
Ils m’ont enrôlé et j’ai développé un style pseudo manga en regardant Go Fujimoto, Seizoh Ebisubashi, Tagame et Jiraya. Je tenais à dissocier ce que je faisais en tant que dessinateur de comics et en tant que dessinateur homo-érotique. Ebisubashi est une référence à laquelle je revenais constamment, jusqu’à ce que je trouve mes propres lignes dans ce style.
Les hommes que tu représentes sont souvent très corpulents (on peut parler de style Bara), cependant contrairement à beaucoup de clichés sur les « bears », ils sont rarement poilus, beaucoup sont imberbes et font parfois penser à des représentations de bears japonais ; pourquoi ce choix en particulier ?
Il y a deux raisons. La première, c’est que voulant « faire manga », je me dois de respecter les codes graphiques et narratifs, et spécialement ceux des dessinateurs que j’aime. En quelque sorte, je me mets au service d’un style pour raconter mes histoires, comme dans le comics où le dessinateur se met au service d’un mythe. Beaucoup de gens croient que je suis japonais au vu de mes personnages donc je pense avoir transformé l’essai au niveau du style. Mais je ne suis pas sûr que je ferais illusion au Japon.
La deuxième raison, c’est que les poils, c’est long et fastidieux à dessiner. Mais il faut penser mes personnages comme étant plus ou moins poilus malgré tout.
Tu dessines aussi principalement des hommes mûrs, et souvent dans le cadre du travail, en costard par exemple : tu as même publié une BD An evening with the boss. Tu as le fantasme du patron ou du « daddy » coquin ?
Pas forcément le fantasme du patron mais le fantasme du salaryman (l’employé) et le fantasme de l’hétéro qui découvre… autre chose. Si vous regardez bien, beaucoup de mes personnages ont des alliances. Et, oui, je suis attiré par les hommes murs et / ou virils. Je dessine le genre de personnages que j’aime. En fait, même s’ils sont exagérés anatomiquement parce que j’obéis aux codes du genre, ce sont des « guys-next-door » (le voisin d’en face). J’adore les pin-up américaines des années 50 de Gil Elvgren, des demoiselles représentées dans des situations humoristiques impliquant le spectateur. J’essaye de faire la même chose avec des hommes.
Tu as récemment participé au Bogossbook (volume 1 et 2), ce recueil de dessins érotiques qui rassemble plus de 80 artistes du monde entier ; qu’est-ce qui t’intéresse dans ce genre de projet ?
D’abord, de participer à un livre de qualité exceptionnelle et être au milieu d’artistes du monde entier. C’est valorisant d’être dans un beau livre et je pense que ça me permettra de toucher un public plus large. J’aime les beaux livres. Ça m’a permis de réaliser un dessin qui résume ce que je veux faire en illustration : une situation humoristique non pornographique mais avec un sous-texte sexuel ou érotique qui raconte une histoire et laisse le lecteur imaginer la suite.
As-tu d’autres projets en cours ?
Je termine la suite de An Evening with the Boss, qui au départ ne devait être qu’une histoire courte. Ça s’appelle The Board et c’est parti pour être une série. Le premier épisode sera disponible bientôt en anglais sur Gumroad. Je ne sais pas encore si j’en ferai une version papier française. Comme je suis lent (et pris par l’anim’), je pense sortir un épisode à un épisode et demi par an. Je commence à rassembler du matériel pour un second artbook que je ferai avec David Foissard.
J’aimerais revenir un peu aux comics / Franco-Belge avec un projet que je traîne depuis des années ainsi que me remettre à faire des aquarelles, du dessin d’après nature, études documentaires et dessin animalier… Bref, revenir un peu à des bases artistiques maintenant que j’ai plus de technique et plus de patience. Mais comme dirait Mister X « So much to do, so little time ». (“Tellement de choses à faire et si peu de temps”).