Témoignage : “Ce jour où j’ai croisé mon père au sauna…”

Il y a des endroits où l’on préfère être loin de sa famille, les lieux de rencontre en font partie. Quand Julien se trouve nez-à-nez avec son père dans un sauna, il frôle la crise cardiaque. Bienvenu dans « En thérapie » version gay, avec l’accent du sud.

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Il s’apprête à fêter ses 28 ans et c’est après le confinement qu’il s’est enfin décidé à tester deux des lieux de rencontre « indoor » de sa ville, comme il dit. Julien a grandi dans le Var et débuté sa vie amoureuse avec un joli minet rencontré sur une appli. Il pourrait dresser la liste des plages gays les moins connues « où les mecs, même gros consommateurs, sont souvent mariés à des nanas qui les surveillent, pas très bien d’ailleurs, quand on voit le résultat. » En poussant la porte du sauna de Toulon, plus curieux que chaud, il ne s’attendait pas à grand-chose : « J’ai déambulé, testé les installations, feuilleté un magazine et à un moment, en passant devant une cabine entrouverte, j’ai cru reconnaître la silhouette de mon père et puis je me suis dit que ça ne pouvait pas être lui. »

Julien se force à éloigner cette pensée de sa tête et il passe un moment, en cabine, avec « un ancien rugbyman timide au début » avant de retourner au bar, où cette fois, le doute n’est plus permis : ce mec de 57 ans, installé sur un tabouret est bien celui qu’il appelle papa : « Il a eu l’air bien moins surpris, moins mal à l’aise que moi et a commencé par dire au barman qu’il payait ma consommation. Il est passé à des questions banales, pour me demander si je venais souvent, avant de me dire que ça devait arriver. Je dois préciser qu’il a travaillé dans une division du Ministère de la défense et que je ne l’ai jamais entendu tenir le moindre propos homophobe. Ma mère et mon père sont divorcés, ils ont des amis gays depuis toujours et ne jugent pas trop les autres. »

Sous le choc, le souffle court, Julien quitte l’endroit sans dire un mot puis textote à son père, « pour lui imposer un déjeuner en tête à tête. » Dans l’appart de Julien, le lendemain, le père est bien plus nerveux qu’au sauna : « Dans ma tête, j’avais fait une sorte de liste de questions » se souvient Julien. Après quelques bières, le papa planqué raconte à son fils ce qu’il appelle sa bisexualité : une vie entière rythmée par des plans sexe cachés, puis une histoire qu’il n’a pas pu vivre pleinement. Et des compagnes qui ont pris la direction des opérations, s’imposant un peu comme il dit. Le daddy se décrit comme « faible », finit par faire pleurer son fils avant de clamer son admiration pour la génération qui assume et vit sans honte. C’est Julien lui-même qui demande à son père, soudain bavard de ne pas entrer dans les détails.

Quelques mois après ce jour marquant, le jeune gay assumé pense que leur relation n’en a pas trop souffert. Parler à un gay plus âgé lui a permis de découvrir ce qu’était la vie avant les applis et de se réjouir des progrès. Il retournera peut-être au sauna, quand son père sera en vacances et lui a demandé son pseudo sur les applis pour pouvoir le bloquer. C’est surtout face à la compagne du père qu’il se sent mal à l’aise, car tout sonne un peu faux. Que sait-elle de ce mari qui fait des UV, va soi-disant à la gym chaque jour et rentre souvent bien tard ? Voilà qui renforce, chez Julien, l’envie, pour lui-même, d’une histoire très sincère : « Mon père ne sortira pas de son placard et je ne sais pas quoi penser de cette comédie, d’autant plus qu’ils ont l’air heureux. Alors je fais tout ce que je peux pour ne pas porter de jugement. C’est sa vie, son corps, il a choisi, à sa façon, ou alors il n’a pas pu choisir, je ne sais pas trop. »

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