Photos : Les garçons marseillais de Marc-Antoine Serra

On a tous eu, un jour, dans les mains un flyer du Queen réalisé par Marc-Antoine Serra, on a tous feuilleté un des Têtu mis en lumière par Marc-Antoine Serra… Aujourd’hui photographe viscéralement marseillais, il vit sa ville à travers ses images… Rencontre.

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Parle nous de toi…

Je ne suis pas sûr que je sois le mieux placé pour le faire. Mon statut de photographe est assez atypique. Je viens d’ailleurs. J’ai commencé comme graphiste pour « le monde de la nuit » et mon travail de Directeur Artistique, notamment pour Têtu m’a permis de rencontrer et de collaborer avec de nombreux photographes (Bruce LaBruce, Walter Pfeiffer, Lise Sarfati…). Ce travail de captation du réel, parfois dans les marges, m’a passionné. Lorsque je suis revenu m’installer à Marseille, après plus de 20 ans de vie parisienne, les choses pour moi se sont précisées.

Ryan, Marseille, 2018 © Marc-Antoine Serra

Comment définis-tu l’esthétique de tes photos ?

Comme je me suis énormément nourri de presse anglo-saxonne dans les années 90 (I-D, The Face, Dazed and Confused…), on peut sans doute dire que si une esthétique me concernant pouvait se dégager, c’est de ce côté-là qu’il faudrait regarder. Mais puisque nous avons tous un inconscient beaucoup d’imprégnations imprévisibles font de moi le photographe que je suis. Nos corps autant que nos appareils sont des machines à capter le réel.

Le soleil de ce printemps, N°2, Willy, Marseille, 2015 © Marc-Antoine Serra

Comment trouves-tu tes modèles ?

Dans la rue. Parfois ce sont eux qui me trouvent. Par exemple Nathan Gombert, danseur au Ballet National de Marseille, (LA)HORDE, m’a contacté sur Instagram. Il s’agit de rencontres dans divers lieux où le hasard intervient pour beaucoup. Sans doute une forme de désir. Voir, savoir… Marcher dans la rue, prendre un verre à la terrasse d’un bar, autant d’actes de réception au monde où la perception des corps serait le premier travail préparatoire à la photographie.

“What is known I strip away”, #11, Fabio, Paris, 2015 © Marc-Antoine Serra
La violence est un potentiel économique, Simon, Paris, 2016 © Marc-Antoine Serra

Acceptent-ils facilement de poser pour toi ?

En général, oui.

Oussama, Marseille, 2016 © Marc-Antoine Serra

Il y a souvent un deuxième personnage sur tes photos, Marseille ! En quoi ta ville t’inspire quand tu prends tes photographies ?

Marseille est une ville chaotique qui nourrit beaucoup de malentendus et de fantasmes ( pour ne pas dire clichés) surtout pour ceux qui n’y vivent pas… elle n’est pas un décor mais c’est intéressant de la voir comme un personnage sans cesse présent.

Cette ville en bordure de Méditerranée est un lieu de passage, de mixité avec, encore présent, tous les spectres d’une ancienne colonisation. Les visages, les corps, les mains de mes modèles appartiennent à cette mémoire. Ma rencontre avec l’historien Todd Shepard auteur de « Mâle Décolonisation » (Payot) m’a éclairé sur cette dimension et sur l’acte politique de sa captation.

Mehdi, Marseille, 2019 © Marc-Antoine Serra

Tu photographies souvent tes modèles en décor extérieur urbain. Comment trouves-tu des situations qui soient en adéquation avec ce que tu veux faire de tes photos ?

Pour moi, il n’y a pas de différence entre ce que tu appelles le décor extérieur urbain et un couloir, une chambre, une cuisine. Les corps que je photographie « habitent » où qu’ils soient. Mais souvent tout est lié à une forme de déambulation et à ses hasards.

Thomas, Marseille, 2020 © Marc-Antoine Serra

Quel est ton plus beau souvenir de photographie ?

En 2013, à Paris, j’ai hébergé un garçon qui était venu pour 3 jours. Chaque nuit il sortait. Le jour, il dormait sur le canapé de mon salon. Il m’a autorisé à le photographier comme si je n’étais pas là. Aucune pose, une sorte de captation naturelle. C’est lui le héros de ma série « Le rapport du langage aux choses ».

Le rapport du langage aux choses, #12, Yasin, Paris, 2013 © Marc-Antoine Serra

Quels sont tes projets ?

À l’invitation de Jean-Pierre Blanc et Marc Turlan je viens de terminer une série de photographies à l’île du Levant où j’ai séjourné dans une sorte de « résidence sauvage » avec comme modèle Nathan Gombert. J’y ai découvert le fantôme de l’extraordinaire Rita Renoir, effeuilleuse (Crazy Horse Saloon), comédienne (pour Michelangelo Antonioni), chorégraphe (pour Georges Lautner)… Nous lui avons rendu un hommage en utilisant les lieux où elle a vécu et même sa garde-robe. Le résultat de ce travail intitulé « Le sourire de Rita Renoir » débouche sur une exposition durant l’été. Je travaille en parallèle à un projet de vidéo et suis en quête de nouveaux modèles.

L’appel du large, N°1, île du Levant, 2020 © Marc-Antoine Serra
Gargouille-moi, île du Levant, 2020 © Marc-Antoine Serra

Vous pouvez suivre et retrouver le travail de Marc-Antoine Serra sur Instagram ou sur son site

5e Nuit des étoiles filantes, NU2, Danse, vidéo, photographie (2 et 3 août 2020)

Place du village, Port de l’Ayguade, Heliotel. Exposition de photographies jusqu’au 20 septembre 2020, Heliopolis, île du Levant, Hyères

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