Chantal Lanuit (Lyon) : “Le secret d’une Garçon Sauvage, c’est une programmation solaire et positive”

Chantal La Nuit est la directrice artistique (et la photographe) du collectif Plus Belle La Nuit, qui fêtera en septembre ses dix ans et qui organise à Lyon les soirées Garçon Sauvage et le festival Intérieur Queer.

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Comment est né le personnage de Chantal Lanuit ?

Ce devait être vers 2008. Je rentrais d’une résidence artistique à Barcelone où j’avais pas mal fréquenté les milieux queers et punks et fait beaucoup de fêtes avec des drags, des travs… Je suis allé à une Middlegender (soirée queer organisée par le collectif du même nom à Lyon entre 2005 et 2013, dont Chantal a été l’un des fondateurs NdlR), où il y avait une fringothèque dans laquelle j’ai emprunté une perruque blonde. Je suis arrivé sur le dancefloor et là, j’étais le seul mec traveloté… Du coup, tout le monde est venu vers moi en me demandant qui je pouvais bien être ! Je ne savais pas trop quoi répondre, alors j’ai répondu “Chantal”… À l’époque, je chantais et je co-écrivais des chansons dans un groupe qui s’appelait Lazy Harley and the Fuck Buddies, donc j’étais Chantal Harley. Je vais d’ailleurs sortir dans l’année un EP en solo sur le label Hard Fist… Aujourd’hui, Chantal Lanuit est devenu comme une extension de moi-même. Il m’arrive de sortir travesti pour des rendez-vous professionnels, des inaugurations… Cela m’a permis d’accepter ma féminité.

Plus Belle La Nuit découle de là ?

Oui, en revenant de Barcelone, j’avais à nouveau envie d’organiser des soirées, ce qui a toujours été ma grande passion depuis 20 ans. L’esthétique musicale de Middlegender était plutôt pop-rock ; moi, j’étais plus attiré par l’électro-disco, l’italo-disco…. La soirée “pilote” de Plus Belle La Nuit s’est déroulée dans mon appartement, avec une cinquantaine de personnes. Et puis, on a franchi le pas en organisant la Bunny Slut Club, une soirée qui se déroulait au Métal Café, un bar du 5earrondissement de Lyon, à dix mètres d’un bar identitaire tenu par des fachos… C’était aussi une façon de se réapproprier ce quartier ! En 2013, le lieu a fermé et comme le concept de nos soirées est très lié aux espaces qu’elles occupent, il a fallu complètement se réinventer. C’est comme ça que Garçon Sauvage est né, d’abord au It Bar, puis au Sonic et enfin, depuis 2015, au Sucre.

Passer de lieux comme le It Bar ou le Sonic, où la jauge est très réduite, à un endroit comme Le Sucre, qui peut accueillir jusqu’à 800 personnes, ça n’a pas été trop brutal ?

Non, c’était dans la logique des choses. Je sentais que le projet Garçon Sauvage allait exploser tôt ou tard. Le Sucre nous a donné les moyens de produire de grandes et belles choses.

© www.gaetan-clement.fr

Quelle est la recette d’une soirée Garçon Sauvage réussie ?

Tout d’abord, il faut une programmation solaire, positive, qui met en avant des artistes émergents. Ensuite, beaucoup de costumes ! Et puis il y a l’ambiance, qui dépend beaucoup du public. Lors de nos toutes premières soirées au Métal Café, au It Bar ou au Sonic, on a constitué une base de 400 à 500 personnes fidèles et sympas qu’on connaît toutes. Elles nous suivent toujours et ce sont elles qui transmettent nos valeurs de bienveillance aux nouveaux publics.

Quand tu n’organises pas des soirées, tu es prof d’arts plastiques. Comment Chantal Lanuit cohabite-t-elle avec “Chantal Le Jour” ?

Plutôt bien, parce que ce sont deux activités pas si éloignées qu’elles n’en ont l’air. Cela reste dans le domaine artistique. Je travaille dans un gros lycée professionnel et mes élèves savent très bien que j’ai ce personnage de Chantal La Nuit. Certain·e·s sont trans, gays, bi ou lesbiennes. En cours, je leur fait découvrir des artistes queers, je leur montre des comptes Instagram de drags, je leur ai même fait lire un texte de Didier Eribon !

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En-dehors de tes propres soirées, où sors-tu à Lyon ?

Dans des bars comme La Madone ou Super 5, beaucoup au Sucre aussi bien sûr… Assez peu dans des lieux communautaires, en fait. À part au XS, un bar gay où les gens discutent beaucoup et où on trouve pas mal de seniors. C’est important de pouvoir fréquenter nos aînés, ils ont toujours des anecdotes à raconter et des choses à nous apprendre.

Plus Belle La Nuit fêtera sa première décennie d’existence samedi 7 septembre avec une soirée Garçon Sauvage au Sucre. Peux-tu nous en dire plus ?

Ce sera une grande fête avec nos Djs résidents historiques L’Homme seulBolito et Deepneue, et un live du groupe Bagarre, qu’on a déjà programmé il y a quelques années, avant qu’il soit connu.

Où vois-tu le collectif dans dix ans ?

On veut professionnaliser la structure pour la rendre pérenne et pouvoir un jour la transmettre. Créer du salariat pour que les gens qui sont aujourd’hui bénévoles puissent être payés. Et d’affiner notre démarche et notre militantisme. J’espère qu’on y arrivera. C’est un pari sur l’avenir. En tout cas, je n’ai aucune intention de raccrocher !

Garçon Sauvage : Plus Belle La Nuit fête ses 10 ans, samedi 7 septembre 2019 au Sucre (complet)
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