Coeurnichons agite sa plume : “Il y autant de sexualités que d’individus”

C’est le livre sexo qui nous manquait : marrant, pertinent et fiable pour les parties psycho et prévention. Ivo Da Silva, connu sur Insta pour son compte Coeurnichons, a écrit un abécédaire. On n’attendait pas ce Portugais de 33 ans qui a grandi en Belgique sur le terrain gay, c’était une erreur : l’influenceur, bisexuel assumé, lève le voile sur ses expériences ratées et réussies, et nous prouve avec brio qu’être aussi drôle qu’engagé, c’est possible. 

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Est-ce facile de mêler humour, sexe et militantisme, ou qu’est ce qui est le plus dur ?

Les abonnés de la première heure, il y a 4 ans, étaient venus sur @Coeurnichons pour l’humour. Je me suis ensuite un peu dévoilé. Le militantisme est important, indispensable en tant que créateur de contenu même si je ne veux pas faire que ça. Je ne voulais pas faire que de l’humour potache, la sexualité ça n’est pas que de belles choses. Il peut y avoir de la violence, du harcèlement. Je souhaite veiller à faire passer des messages, en gardant mon ton. Si mes messages ont cet impact, c’est aussi parce qu’ils sont drôles. L’humour peut faire passer un discours militant, c’est mon arme. 

Est-il simple aujourd’hui de se présenter comme bisexuel ? 

Oh là là, pas du tout. Pour deux raisons : je ne suis pas une femme, elles se font bien plus harceler online, mais ça passe peut-être un peu mieux chez les femmes d’être bi. Pour l’homme, c’est différent, il y a le mythe de la virilité… La biphobie qui vient de partout, elle existe vraiment. Il y a peu de représentations culturelles ou médiatiques d’hommes bisexuels. Je ne l’ai pas dit tout de suite et maintenant, c’est dans mon profil, parce que l’on a besoin d’être représentés. D’ailleurs, des ados m’écrivent pour me dire qu’ils sentent moins seuls. 
 

Te fais-tu draguer, reçois-tu des mots d’amour, des photos suggestives ?

Dans leur grande majorité, les gens sont adorables et m’envoient de l’amour. J’ai parlé de mon traitement antidépresseur et de ma maladie intestinale, j’ai reçu beaucoup beaucoup d’amour. Je reçois des dickpics non sollicitées, et les gens, souvent des hommes, se disent que je suis un dingue du cul, et ça n’est pas le cas. Ce que les femmes m’envoient est plus suggestif.

Au début de ton livre, tu racontes avoir couché avec le meilleur ami de ton ex-copine, est-ce que c’est encore un ami ?

Non, car il vit loin. C’était ma première expérience avec un mec, à mes 20 ou 21 ans, c’était incroyable. Il y avait déjà une tension entre nous. Comme je le raconte dans mon livre, il a joui en quelques coups de rein. On a découvert la puissance du geste, mais c’était exceptionnel.

Peux-tu nous dire si, quand on écrit sur la sexualité, on est un meilleur coup ?

Je ne le crois vraiment pas ! Les gens pensent souvent que c’est le cas, les abonnés veulent parfois coucher avec moi pour ça. Le fait d’avoir beaucoup lu et écrit là-dessus me rend peut-être, au lit, plus attentif à l’autre, à mon ou ma partenaire qui n’est pas qu’un corps. 

Ton livre est à la fois informatif, drôle, et pratique. Tu donnes même des conseils sur l’after-care (l’importance de prendre soin de l’autre après l’amour). Pourquoi avoir abordé ce sujet en détails ? 

Depuis très longtemps, une fois que j’ai fait l’amour, à deux, je peux ressentir une sorte de dégoût que je ne m’explique pas, bref, ça retombe. J’ai toujours voulu qu’on prenne soin de moi, avant, pendant et surtout après. On est vulnérable après avoir fait l’amour. Il y a beaucoup de gens qui ne prenaient pas soin de moi, je me sentais délaissé. Il peut arriver que ça ne soit pas le cas, juste un coup, et après limite on se serre la main, si c’est consenti, c’est OK. Mais je n’aime pas être utilisé comme un objet. J’ai besoin qu’on discute. C’est souvent le meilleur moment, où, posé dans le lit, on peut être très franc. C’est un moment sacralisé. 

Tu es presque une sorte de conseiller relationnel ou conjugal…

J’ai commencé avec l’humour et les punch-lines. J’ai très vite reçu des messages où on me demandait des conseils… C’est un métier, pas le mien. J’ai plus le rôle d’un grand frère, d’une épaule, un médiateur ou un passeur. Je les envoie vers des professionnels ou d’autres créateurs de contenu quand c’est utile.

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Crédit : Laura Van Puymbroeck

Notre vocabulaire laisse entendre que le passif est « inactif ». Peux-tu nous dire quelques mots au sujet de la circlusion, le fait d’envelopper, d’entourer un pénis de façon active ?

Le passif n’est pas inactif, on le sait. J’aime l’idée de “pénétrant” et “pénétré”. Le mot de « circlusion », inventé par l’autrice Bini Adamczak est peu utilisé : on part de l’image que celui qui est pénétré est dans l’action. Mettre un sextoy, un pénis dans une cavité fait que celle-ci enrobe. C’est mécanique. Ça remet au centre, à sa place, la personne qui se fait pénétrer.

Tu parles des alliés des LGBTQIA+. Crois-tu que des lecteurs vont découvrir ce terme d’allié et s’en emparer pour, par exemple, aider un gay harcelé ? 

C’est un terme féministe, de plus en plus utilisé. Plein de gens ne connaissaient pas ce terme. Il va prendre de l’ampleur. Je ne me disais pas allié de la cause féministe il y a 10 ans. C’est comme le + de LGBTQIA+, qui contient et inclut les hétéros alliés qui peuvent défendre notre cause. Je suis affecté par les attaques des toutes les communautés. Je me sens allié de la nouvelle Miss France, une femme hétéro cisgenre. Je suis l’allié des personnes trans, qui se font harceler, je suis dans l’empathie. La fois, ou j’ai mis la vidéo de Chris, le chanteur de Christine and the Queens, j’ai dû supprimer la possibilité de mettre des commentaires. Je ne parvenais plus à supprimer les commentaires transphobes tant ils arrivaient vite, par centaine. Je me suis senti le devoir d’être un allié face à cette haine.

Si tu devais donner un conseil à un lecteur de Jock.life, qui n’est pas épanoui, ça serait quoi ?

Trois conseils : de se détacher du porno, pas de l’arrêter mais d’en consommer moins ou en sachant que c’est une fiction, ce qui peut aider. Le deuxième, si vous êtes en couple et que ça ne se passe pas bien sexuellement, dites-vous bien que vous n’êtes pas obligés de subir, de vous forcer. Tu peux aimer quelqu’un sans ça. Le couple est fait d’entités qui se rapprochent ou s’éloignent selon les périodes. Enfin, cherche ce que tu aimes, essaie de le vivre, ose… Tu peux sortir des schémas, il y a un million de choses à faire. Il y autant de sexualités que d’individus. 

Tu évoques la dépression que tu soignes, et tu parles des applis qui sont d’une grande aide pour les timides, tu donnes même des conseils pour les utiliser. Quelle est la plus grosse erreur à faire quand on cherche un compagnon sur une appli ?

Pour moi -et des études l’ont démontré – il y a une sorte d’ « hyper-critérisation » : on cherche le meilleur produit en très peu de temps (le plus sportif, le plus beau, celui qui aime les animaux…) et on peut passer à côté de personnes qui ont beaucoup de charme, ce qui ne se voit pas en photo. Mon conseil : prendre le temps de matcher des gens qui ne sont pas a priori des putains de canon. En discutant, on peut le trouver sexys et drôles. Bref, ne cherchez pas la perfection ! Ne faites pas comme le gros boudin qui se permet de juger les Miss France.

Le F*cking Guide du love, de Ivo Da Silva @coeurnichons
Sortie le 25 janvier 2024 chez First Editions.

coeurnichons le fucking guide du couple

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