Romeo + Juliet au Châtelet, le spectacle qui va vous faire aimer le ballet

Le chorégraphe queer Matthew Bourne revisite avec brio le ballet de
Sergueï Prokofiev. À voir jusqu’au 28 mars au Théâtre du Châtelet.

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Dans la continuité logique du superbe West Side Story présenté pendant les fêtes de fin d’année, le Théâtre du Châtelet accueille jusqu’au 28 mars une version revisitée du ballet Romeo & Juliet de Prokofiev par le chorégraphe anglais superstar Matthew Bourne. Véritable succès lors de sa création à Londres en 2019, cette relecture du mythe décale l’intrigue originale pour mieux nous en faire ressortir son intensité tragique.

Nous voilà donc transportés au “Verona Institut”, espace clinique tout de blanc immaculé où filles et garçons cohabitent dans leurs zones dédiées. Est-ce un asile psychiatrique ? Un centre pour jeunes inadaptés ? Un lieu de contrôle pour une jeunesse qui aspire aux rencontres et à la liberté ? Le chorégraphe brouille délibérément les pistes pour laisser planer un flou perpétuel. C’est dans ce contexte que Roméo et Juliette osent franchir les limites qu’on leur impose et oser une idylle.

Credit: Johan Persson

Un ballet pop plein de vigueur

Depuis ses débuts, Matthew Bourne, avec sa compagnie New Adventures, aime dépoussiérer les classiques de la danse pour les rendre accessible au grand public. Et s’il peut leur donner une petite couleur queer, c’est encore mieux. Le show qui l’a consacré, c’est Swan Lake, une version 100% masculine du Lac des Cygnes qui fêtera l’an prochain ses trente ans avec une tournée événement. Il a aussi transformé Carmen en “Car Man” ou encore donné sa version toute poétique et créative de La Belle au bois dormant (visible en replay sur MyCanal).

Avec ce Romeo + Juliet, il troque les tutus et les collants pour une approche contemporaine, à mi-chemin entre le ballet pop et la comédie musicale à la Jerome Robbins. La musique implacable de Prokofiev semble taillée sur-mesure pour des chorégraphies où l’attraction viscérale des corps lutte contre la rigueur, la folie et les interdits. Matthew Bourne arrive très bien à traduire cette fougue juvénile qui anime ses personnages, tout comme ces accès de rage remplis d’animalité. En ce sens, le final de l’acte 2, juste avant l’entracte, nous laisse littéralement sans voix.

Credit: Johan Persson

Queer Gaze

Contrairement à Benjamin Millepied qui a récemment fait danser Roméo et Juliette par deux hommes ou deux femmes, Matthew Bourne ne touche pas à l’hétérosexualité du couple phare. Mais cela ne l’empêche pas de déporter son “queer gaze” sur Benvolio et Mercutio. Ces derniers ne cachent pas leur attirance. Ils seront victimes de Tybalt, devenu gardien de l’institut, dont on ne saura jamais vraiment si son crime est motivé par son dégout des homos ou au contraire par une homophobie refoulée.

On sort de la salle complètement bluffé par l’intensité de ce spectacle et la qualité de la troupe. Et on se dit que dans cette machinerie ultra bien rodée, les mots auraient été clairement de trop.

Romeo + Juliet, direction artistique et chorégraphie Matthew Bourne. Avec en alternance Matthew Amos, Tanisha Addicott, Tasha Chu, Carla Contini, Adam Davies, Anya Ferdinand, Jackson Fisch, Cameron Flynn, Euan Garrett, Kurumi Kamayachi, Daisy May Kemp, Hannah Kremer, Kate Lyons, Rory Macleod, Blue Makwana, Leonardo McCorkindale, Eleanor McGrath, Enrique Ngbokota, Harry Ondrak-Wright, Alan Vincent… Jusqu’au 28 mars au Théâtre du Châtelet. Plus d’infos

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