Nuovo Olimpo (Netflix) : la romance gay magnifique d’Özpetek

Avec “Nuovo Olimpo”, mis en ligne au début du mois sur Netflix, le réalisateur turco-italien Ferzan Özpetek livre peut-être son film le plus intime et le plus bouleversant.

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Ferzan Özpetek est une véritable star en Italie où il bénéficie de l’aura d’un Pedro Almódovar. En France, malgré le succès critique de Hammam, Tableau de famille (dont il a fait une adaptation en série pour Disney+) ou encore Pour toujours, il reste malheureusement trop peu connu. Son dernier film, Nuovo Olimpo, tourné pour Netflix et disponible depuis le 1er novembre, va peut-être changer la donne. Il était temps.

En grande partie autobiographique, le film nous plonge avec nostalgie dans le Rome des années 1970. Véritable personnage secondaire, le Nuovo Olimpo est un cinéma permanent qui passe des vieux films. Sous le regard bienveillant de la patronne, les garçons sensibles y trouvent un écrin pour se draguer dans les coursives. C’est là qu’Enea, un aspirant réalisateur (double d’Özpetek ?), rencontre Pietro, étudiant en médecine. Ils ont le coup de foudre, passent une nuit torride… Malheureusement, alors qu’ils devaient se revoir, un événement inattendu les sépare. Les années passent. Ils construisent leur vie chacun de leur côté sans jamais vraiment oublier cette histoire avortée…

Mélo magnifique

Nuovo Olimpo, c’est un peu un condensé du cinéma d’Özpetek avec de nombreux motifs qui lui sont chers : les secrets inavoués, les terrasses qui servent de lieux de vie et de révélations, les couples qui se questionnent, les chansons de Mina, grande diva italienne, et les corps sculpturales des garçons en l’occurrence ici Damiano Gavino avec ses faux-airs de Stefano Accorsi, et Andrea Di Luigi, beau brun ténébreux. Dans la première partie, le réalisateur se plait d’ailleurs à les mettre beaucoup à nu. Il les filme sous toutes les coutures pour nous faire ressentir au plus près des corps le tourbillon de la passion. Cette seule et unique nuit d’amour est un modèle d’érotisme et de sensualité.

On y retrouve aussi le goût prononcé d’Özpetek pour le mélodrame. Ce genre décrié, il ne l’aborde pas de manière naïve. Au contraire, il le fait en toute conscience et lui rend le plus beau des hommages. On pense bien entendu au cinéma de Fassbinder et d’Almódovar, au film Elle et lui (pour l’accident qui vient compromettre un rendez-vous). Mais c’est surtout l’ombre de Douglas Sirk, le maître du genre, qui plane, avec un final tout en aveuglement et révélations qui cite directement Le Secret magnifique. Ironie de l’histoire, c’est Mamma Roma, chef-d’œuvre néoréaliste de Pasolini, qui marquera à jamais la première rencontre et la mémoire des deux amoureux…

Cinéma Paradiso

Il est beaucoup question de cinéma dans Nuovo Olimpo. Outre ces nombreuses références et ces affiches qui ornent les chambres à coucher (on pense à celle de La Main au collet), le cinéma est aussi montré comme un medium capable de réactiver les souvenirs. C’est exactement ce que fait Enea lorsque, dans un effet de mise en abyme, il refait jouer, quelques années après à des acteurs, sa scène d’amour avec Pietro. Et c’est indirectement ce que fait Ferzan Özpetek lorsqu’il écrit ce film à partir d’un souvenir de jeunesse et se risque au jeu de “Et si ?”. Mais qu’importe après tout la véracité des faits pourvu que des images puissent renaître, intacts, sensations et sentiments.

Sans parler d’œuvre testamentaire, le réalisateur turco-italien nous donne ainsi beaucoup de clés pour comprendre ses œuvres antérieures. Il se risque même à une leçon (fictive) de cinéma lorsque son double Enea s’exprime lors d’une conférence de presse. Oui, il aime le mélo, car c’est un genre universel qui touche tout le monde. Et non, il ne parle pas tout le temps de l’homosexualité. Ce sont “les autres qui n’en parlent jamais“.

Œuvre sur le temps qui passe et sur les amours de la jeunesse perdue, Nuovo Olimpo parlera sans aucun doute à tous ceux qui ont déjà secrètement fantasmé une histoire à partir d’une courte passion. Et ont mis une partie de leur coeur en sommeil dans l’attente de potentielles retrouvailles. “Parce que le vide me hante avec mon sang / Comme un peintre je t’invente et je t’attends (…) / Mais ces rêves ne me laissent que tourments / Car je traîne ma détresse et je t’attends” dit la chanson d’Aznavour que l’on entend, tel un présage, lors d’une virée en vespa.

À la fin du film, la boucle est bouclée. Et vous verrez que ces dernières minutes vont vous toucher au plus profond. On n’est pas loin des épilogues tout en résilience des Parapluies de Cherbourg ou de La Fièvre dans le sang. Préparez les mouchoirs, vous en aurez besoin.

Nuovo Olimpo, un film de Ferzan Özpetek avec Damiano Gavino, Andrea Di Luigi, Luisa Ranieri. À voir sur Netflix

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