Témoignage : “Ce plan filmé, j’aurais dû dire non”

C’est parfois amusant, mais ça peut laisser des traces. Tom, 24 ans, a croisé le chemin d’un garçon canon qui l’a filmé sans son consentement. A-t-il été trop confiant ? Il partage avec nous le récit qui a viré à l’abominable cauchemar.

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Il fait des rencontres, le plus souvent directes, via des applis. Ce jour-là, capté par une jolie photo de maillot de bain blanc gonflé et mouillé, Tom envoie sa pic de visage, sans trop y croire, tellement le visuel paraît presque fake. Quand il reçoit celle du mec, il croit n’avoir aucune chance : un mélange de Arad Winwin et de Jamie Dornan (le Dieu vivant de 50 nuances de Grey), donc bien trop beau pour lui ! Pourtant, très vite, l’étalon lui donne son adresse et son code via la messagerie Télégram. 40 minutes plus tard, Tom sonne à sa porte. « Je m’attendais à un mytho, mais non, c’était lui, juste un peu plus petit que la taille annoncée » 

Tout démarre « à l’ancienne » avec de longs baisers mouillés et appuyés. Logiquement, Tom se retrouve à turbiner, face au bogosse assis dans le canapé, tête baissée vers sa taille, façon toyboy appliqué. Après ce premier round, un petit échange papotage-mise en confiance autour d’un café, puis la presque porn-star propose à Tom de passer dans la chambre. Sur le mur, un énorme miroir. Sur la commode, des sex-toys de tous styles et toutes tailles. Tom est à l’aise, il ne voit pas pourquoi il refuserait ce qui ressemble alors à un jeu sans conséquences. Quand son partenaire lui propose de porter cette cagoule en spandex, qui lui cache les yeux, il accepte.

Vire moi ces photos

Une fois la partie finie, tous deux sont nus sur le lit. L’actif un peu domi lui signale qu’il a « pris son tél, parce que ça le faisait trop bien ». En fait, il a filmé. Il montre les images à Tom. « On voit très bien mon corps, on entend ma voix, on reconnaît le tatouage que j’ai dans le cou, et ma tête, y compris les quelques secondes où j’enlève la cagoule, mais bien sûr, on ne voit pas son visage à lui, ni son très reconnaissable tatouage sur la main. ».

La séance de tournage était d’ailleurs prévue par le gars, rien à voir avec une envie spontanée. Car si une partie des images sont filmées en mouvement, téléphone à la main pour les gros plans, l’autre partie vient d’un large plan fixe. Le mobile a donc été posé sur une table basse, sur un socle façon chargeur de batterie : le cinéaste amateur avait tout mis en place, sans prévenir son acteur principal.

« Au début, je lui ai juste demandé de les effacer, et il a commencé à me dire que j’étais canon, qu’il le faisait souvent, que c’était cool, qu’il allait juste le montrer à d’autres actifs pour les inviter. C’était tout juste si je ne devais pas le remercier ! » Tom refuse et sans monter le ton, lui demande de les effacer. Le « pacha », comme il aime se faire appeler, accepte et balance à Tom qu’il n’est « pas cool ». 

Le passage au mode chantage

Quelques jours après, quand Tom refuse un second rendez-vous, le garçon se vexe et lui balance une vidéo, un montage avec un zoom sur son visage. Tom appelle pour discuter, pas de réponse, mais un texto : “tu viens me faire du bien ou je diffuse un peu partout”.

L’angoisse monte. Tom appelle un pote, qui lui explique que le chantage est illégal (75 000 euros d’amende, pour info), qu’il existe un droit à l’image et à la vie privée (en clair, pour diffuser votre image, on a besoin de votre autorisation) et que le « revenge porn » est aussi puni par la loi, avec prison à la clé.

Une autre amie, militante d’une association, lui indique qu’il existe Pharos, une plate-forme pour signaler le contenu illicite (comme la vidéo volée), et lui suggère d’aller au commissariat. Sur place, le policier se montre aidant : s’il connaît l’adresse, le code et le prénom du mec, lui signaler qu’il est au commissariat pour porter plainte devrait suffire à le calmer. Tom s’exécute en live, envoie quelques photos du commissariat. Bingo, le maître chanteur descend d’un ton, lui reproche de ne pas savoir rigoler et affirme que ça n’était qu’un jeu. Le policier précise à Tom qu’il peut revenir en cas de souci, en lui précisant que c’est arrivé à des femmes qui ont porté plainte.

Un an après, aucune nouvelle du maître-chanteur que Tom reconnaît parfois sur les applis. Depuis, il indique dans ses profils « pas de plan filmé » et ne se fait plus jamais bander les yeux. 

Tu en veux encore ?