Paris Première fête les 50 ans de « La Cage aux folles »
Au programme : le film, la pièce avec Christian Clavier et Didier Bourdon et un documentaire inédit.
La Cage aux folles a 50 ans et toujours autant de plumes. Pour marquer l’événement, Paris Première consacre une soirée spéciale ce mardi 30 mai dès 21.00 avec la diffusion du premier film de la trilogie (le meilleur) ainsi que de la nouvelle version scénique (plus dispensable celle-là) avec Christian Clavier et Didier Bourdon (à 23h50). Mais la vraie curiosité est proposée en guise d’entracte avec, à 22h45, un documentaire inédit de Christophe Duchiron, tout naturellement appelé Merci Zaza.
Introduit par un Michel Fau looké façon speakrine, ce doc revient sur la folle histoire de cette pièce de théâtre aussi culte que controversée au sein de la communauté gay. Au gré des images d’archives existantes (la pièce originale n’a jamais été captée en intégralité), on en apprend un peu plus sur les origines de Zaza et d’Albin.
Jean Poiret se serait ainsi inspiré d’une pièce anglaise L’Escalier, mettant en scène un couple gay vieillissant et aigri dans un salon de coiffure, mais aussi d’un vieux sketch réalisé avec Michel Serrault (déjà), sur deux « folles » antiquaires très stéréotypés.
La suite, on la connait. Après trois semaines difficiles, le bouche-à-oreille est phénoménal. Le public se presse pour voir le duo en roue-libre sur la scène du Palais Royal. Le spectacle tient l’affiche plus de 1500 représentations, menant Jean Poiret à la limite du burn-out. Viendront ensuite trois films (dont le premier qui est nommé aux Oscars) et une comédie musicale.
Derrière les plumes, la controverse
Trop caricaturale pour beaucoup, La Cage aux folles reste une pièce dont l’impact a été important dans la visibilité homo. Pour le meilleur comme pour le pire. Car il faut dire que jusque-là, nous n’avions pas grand-chose à se mettre sous la dent. Remettons-nous dans le contexte. Nous sommes à la fin des années 1970, à une époque où l’homosexualité est encore pénalisée et que les représentations dans le cinéma grand public sont inexistantes. Cette contradiction, le doc ne peut l’ignorer et invite intelligemment des personnes concernées par la cause à prendre part au débat.
Le réalisateur Alain Burrose, ancien militant du FAHR (le front d’action homosexuel révolutionnaire), nous parle de ce fameux épisode où il a jeté une poubelle à la tête de Jean Poiret qui dînait dans un resto. De son côté, l’auteur Jean-Marie Besset se souvient du jour où ses parents l’ont emmené voir la pièce et qu’il s’est senti agressé par les rires du public. Difficile en effet, quand on est encore un jeune gay en construction, de n’avoir comme seul point de référence les frasques de Zaza Napoli…
Michel Fau, lui, invite à voir entre les lignes de la comédie. Il croit comme Jean Poiret au pouvoir du boulevard (et du rire) pour bousculer la société. Pour lui, Zaza est une diva dans toute sa splendeur, un concentré de tragi-comique qui sera d’ailleurs beaucoup plus développé dans le film. Un clown triste en somme. Car son principal drame ne se trouve-t-il pas dans ces injonctions virilistes (la fameuse scène de la biscotte) à se travestir en homme pour “entrer dans la norme”.
I Am What I Am
Finalement, la réconciliation ne viendrait-elle pas de l’autre côté de l’Atlantique avec l’adaptation en comédie musicale ? Là où, en France, on cherche avant tout à faire rire sur le dos des homos, là où les producteurs français n’ont pas eu assez de cran pour produire le film (merci les Italiens !), là où Édouard Molinaro parle encore, 50 ans après, de ses personnages comme des “travelos”, La Cage made in Broadway sera tout l’inverse et s’assumera à 100%.
Il faut dire que l’équipe créative sait de quoi elle parle, elle. Pour la musique, on retrouve Jerry Hermann, le compositeur ouvertement homo de Hello Dolly et de Mame (deux musicals cultes pour les gays américains). Et pour le livret, Harvey Fierstein à qui l’on doit l’incontournable Torsh Song Trilogy, série de trois pièces semi-autobiographiques sur une Drag en quête du grand amour. Un classique queer, là encore.
Indéniablement, Harvey Fierstein a mis tout son cœur dans la réécriture de la pièce de Poiret. Il en a fait un manifeste de tolérance, polissant le surplus de caricature pour faire entendre nos voix. C’est à lui que l’on doit les paroles de I Am What I Am chanson qui deviendra un tube grâce à Gloria Gaynor : “Je suis ce que je suis / et ce que je suis n’a pas à s’excuser / On n’a qu’une vie, il n’y a pas de caution ni de retour possible / Qu’une vie, donc c’est le moment d’ouvrir ton placard“. En somme, Harvey Fierstein n’a fait que rendre à la communauté ce que d’autres s’étaient réappropriés avec plus ou moins de bonheur. Et on peut trouver dommage qu’il soit le seul grand absent du documentaire…