À voir au ciné : “Révolution sida” et “Days”

Un documentaire puissant, nourri de paroles et de récits. Et un film contemplatif, quasi dénué de mots. Aussi différents que possible, « Révolution sida » et « Days », qui sortent le même jour, se penchent chacun à leur manière sur les corps et les maladies…

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Difficile d’imaginer deux œuvres plus dissemblables que Révolution sida, le documentaire de Frédéric Chaudier qui nous entraîne aux quatre coins du monde pour prendre des nouvelles (mauvaises) du sida, et Days, le nouveau film du réalisateur Taïwanais Tsai Ming-liang, centré sur un duo de personnages confrontés à l’étrange maladie qui ronge depuis des années l’un d’entre eux.

Le premier est un coup de poing brutal destiné à nous réveiller à un moment où nombre de personnes, notamment les jeunes et les gays en France et dans les pays occidentaux, pensent que le sida, c’est de l’histoire ancienne. Le second est à l’inverse une expérience quasi hypnotique, fonctionnant sur un rythme très lent, propre à nous faire appréhender ce que traverse son héros, Lee Kang-sheng, l’acteur emblématique du cinéaste, atteint d’un mal qui lui provoque une étrange et douloureuse inclinaison du cou. Révolution sida est un film mondial, Days un récit ultra-intimiste.

Pourtant, ces deux films si dissemblables sont tout aussi nécessaires l’un que l’autre, et il serait dommage de passer à côté.

État des lieux

Révolution sida est le plus évident dans l’urgence de ce qu’il met à nu : la situation toujours dramatique de l’épidémie de sida dans de nombreux pays, que ce soit l’Afrique du Sud, la Russie ou la Chine. Alors qu’on a tendance à penser ici que le VIH-sida est sous contrôle — parce que les traitements sont disponibles, gratuits grâce à la Sécurité sociale, parce que les évolutions médicales mettent des traitements pré et post exposition à disposition… —, le film de Frédéric Chaudier rappelle ce fait qui dément ce sentiment : plus de la moitié des 44 millions de personnes séropositives à travers le monde n’ont accès à aucun traitement !

Avec sa caméra, le réalisateur part donc dans ces pays pour essayer de comprendre et d’appréhender cette réalité et ses causes (stigmatisation, pauvreté, manque de volonté politique, etc.), mais aussi pour rencontrer celles et ceux qui tentent tant bien que mal de faire bouger les choses.

Parmi de multiples interventions très fortes, on retiendra celles d’Edwin Cameron, juge à la Cour constitutionnelle sud-africaine, ouvertement gay et activiste inlassable de la lutte contre le sida depuis 1992, date à laquelle il a été le premier blanc à parler publiquement de sa séropositivité.

L’intelligence de ce documentaire est à la fois d’alerter sur une situation potentiellement désespérante après plus de quarante ans d’épidémie et ses millions de morts, mais aussi d’être porteur d’espoir, celui de tous ces hommes et femmes à l’énergie inlassable et à la foi dans l’humanité impressionnante.

Langage du corps

L’ambition de Days est tout autre tant il s’agit d’un film à la surface des peaux et des corps, un film de sensations et jamais de discours. Adepte depuis ses débuts d’un cinéma contemplatif, construit autour de longs plans fixes et du mutisme languide de son héros fétiche (qu’il adore filmer en slip blanc), Tsai Ming-liang pousse ici encore un peu plus loin le curseur radical, dépouillant son récit de tous ses artifices pour donner à voir, ou plutôt à ressentir des émotions purement physiques. C’est ce que prouve le long massage ultra-sensuel, quasi érotique, entre ces deux hommes que le film fait se rencontrer au cœur de sa lente et stupéfiante progression.

Expérience cinéphile, Days n’est pas le film le plus facile à appréhender du maître taïwanais : ça tombe bien puisque le Centre Pompidou, à Paris, lui consacre une rétrospective et une exposition jusqu’au 2 janvier prochain.

Révolution sida, documentaire de Frédéric Chaudier.
Days, film de Tsai Ming-liang, avec Lee Kang-sheng.
Au cinéma le 30 novembre

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