On a rencontré Mathis Chevalier, une brute dans un monde d’amour

C’était l’un des événements du Festival Chéries-Chéris. « Mon CRS », la nouvelle création de Marc Martin. Et ce, en grande partie grâce à la présence émouvante de Mathis Chevalier, icône gay en devenir. À l’occasion de la sortie du court-métrage en DVD (avec de nombreux bonus), nous vous proposons de (re)découvrir l’interview que nous avait donnée le jeune acteur.

Publié le

Comme à son habitude, Marc Martin joue à la fois la provocation et la pédagogie. Avec Mon CRS, il propose un film court plein de surprises : une chanson d’Annie Cordy, une maitresse de cabaret dans la droite ligne des Bambi et Coccinelle, une histoire d’amour impossible… Ses interprètes – la magnifique Othmane, une chanteuse non-binaire, et le très excitant Mathis Chevalier, ancien champion d’Europe de MMA – envoient un uppercut direct à tout ce que les homophobes aimeraient tellement détester.

Mon CRS est un coup de cœur et nous avons rencontré Mathis Chevalier qui nous a parlé de lui, du monde dans lequel il a grandi et surtout de son cœur plein d’amour (interview réalisée en novembre 2022 à l’occasion de la projection du film au Festival Chéries-Chéris de Paris)

Comment le gamin de banlieue a-t-il compris les références à l’enfance des gays dans le monologue du début du film ?

On a beaucoup parlé avec Marc. Et même si on a des vies différentes, nos parcours se ressemblent un peu. Le monologue du début parle aussi bien du ressenti d’un jeune gay, que de celui d’un gamin paumé dans sa banlieue. J’ai une relation à l’enfance très particulière : moi aussi, je ne veux pas quitter ce monde de rêve, d’imaginaire qu’on se créé enfant. Encore aujourd’hui, rêver est important pour me donner de la force.

Ce film raconte un coming out. Comment le sujet te parle à toi qui est hétéro ?

Ça me touche profondément. Quand j’étais dans mon club de MMA, j’ai vite vu les limites de comment je pouvais être, mes choix vestimentaires, mes idées. Je me suis rendu compte, dans ce monde super viril, qu’on n’était pas si libre que ça. On suit un schéma imposé par une norme. Quand j’ai commencé à sortir à Paris et que j’ai rencontré des créatures de la nuit, j’ai été fasciné.

Je suis admiratif de leur parcours, de la force qu’il faut avoir pour vivre sa propre vie. Je pourrais rester dans mon petit confort de bonhomme bien sexiste et bien homophobe. Je préfère soutenir ceux qui ont le courage de s’assumer. Soutenir les droits LGBT+ en tant qu’allié, dans le monde homophobe de là où je viens, est ma façon à moi d’aider.

As-tu fixé des limites à Marc ?

Un peu sur la nudité. (Rires) Je suis très libre avec mon image, avec le fait d’être nu. J’ai toujours été à l’aise avec mon corps. Mais on ne sait jamais vraiment ce que l’autre fait de ta nudité. Avec Marc, il y a eu systématiquement une demande de consentement de sa part. Il me montrait les images. Quelquefois, j’ai voulu mettre de grandes limites pendant le tournage et en fait, avec la confiance que j’avais en Marc, je me suis complètement laissé aller… Peut-être que j’ai moins de difficulté à montrer mon sexe qu’à montrer mes sentiments, mes émotions. C’est quelque chose que je ne fais pas facilement, naturellement. Ça m’a demandé beaucoup de travail et d’efforts de jouer la douceur, de pleurer.

Est-ce que tu as parlé avec Othmane de la scène au lit avant de la tourner ?

Oui. Mais ce genre de scène est assez mécanique et surtout on n’est pas tout seul sur le plateau. En fait, c’est avant tout une scène d’amour. Qui se passe dans un lit, d’accord… Mais on devait avant tout transpirer l’amour et le désir.

Est-ce que tu t’es renseigné sur l’histoire LGBT avant le tournage ?

Énormément. Je me suis replongé dans le travail de Marc qui traite beaucoup de l’évolution de la vie gay depuis des décennies. Chaque fois que je suis dans une soirée, je ne peux pas m’empêcher de papoter avec les gens qui sont présents et ils me font connaître souvent ce qu’était leur vie avant. Ils nourrissent ma réflexion. Dernièrement, j’ai vu 120 Battements par minute par exemple. Je fais partie d’une génération qui ne sait pas que la police harcelait les homos dans les années 70. J’ai découvert ça en posant des questions à Marc.

Est-ce que tu trouves que le CRS (du film) te ressemble ?

A priori, il pourrait me ressembler mais pas tant que ça ! Je réfléchis beaucoup, je suis très rêveur. Je ne pète pas les plombs comme le personnage le fait dans la scène des chiottes. Peut-être que, par le passé, j’étais plus sanguin, quand j’ai commencé le MMA. Mais c’est fini… J’ai bien vu que ça ne servait pas à grand-chose d’exploser.

Je me suis posé la question à la lecture du scénario si je comprenais la réaction du CRS à ce moment-là. Je l’ai un peu comprise parce que j’ai, moi-même, senti les contradictions qu’il peut y avoir entre le monde dans lequel tu vis, en l’occurrence c’était le MMA, et ce que je ressentais profondément, à savoir une envie d’ouverture vers les autres, loin de toute violence. Au centre de combat, on m’appelait l’électron libre parce que je n’arrivais pas à être comme eux… Heureusement que j’étais le plus fort. On ne discutait pas mes choix.

Comment vis-tu le fait d’être de devenir un fantasme pour les gays ?

Au début, ça fait bizarre. Je ne comprenais pas pourquoi je suscitais le désir. Aujourd’hui, c’est un peu plus clair. J’en joue et ça me plait. Je trouve ça cool de plaire à des gens. Que ce soient des filles ou des hommes…

Mon CRS, de Marc Martin, en coffret DVD (le film + 100 minutes de bonus + un fascicule de 228 pages). Dédicace/ performance de Mathis Chevalier, Othmane et Marc Martin, jeudi 27 avril dès 19h à la librairie Les mots à la bouche (Paris 11e)
Plus d’infos

mon crs dvd marc martin

Tu en veux encore ?