Feuilles d’automne : la sélection des livres LGBT de la rentrée

C’est la rentrée. Dans les piles de livres accumulées sur les tables des librairies, on a repéré quelques pépites à côté desquelles il serait dommage de passer…

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Des images aux mots

Y aller ou pas ? Tel est le dilemme qui saisit Ype lorsque son boyfriend lui propose de l’accompagner aux États-Unis où il doit participer à un colloque. N’importe qui sauterait au plafond. Tout le monde, sauf Ype, qui avait d’autres projets — écrire un livre — et qui a surtout une peur panique de l’avion… Bref, ça va pas être simple.

Auteur néerlandais de romans-photos, Ype Driessen se met ici en scène, en images et en mots dans un récit aussi drôle que tendre, aussi actuel que pertinent, qui donne une nouvelle jeunesse gay au genre désuet (et très hétéro !) du roman photo.

Ype Driessen, Un petit doute en septembre, éd. Flblp, 23 €.

Secrets bien gardés

C’est un monument que l’on revisite avec ce roman : la vie et l’œuvre d’un des plus grands auteurs du XXè siècle : le prix Nobel de littérature Thomas Man. Ce dernier est notamment l’auteur de Mort à Venise et de La Montagne magique, et un adversaire résolu d’Hitler.

L’auteur gay Colm Tóibín se glisse à travers les failles de Thomas Mann pour en mettre à jour les secrets plus ou moins bien gardés. Il s’intéresse principalement à l’homosexualité indicible de Mann, aux amours impossibles du grand homme, à ses rencontres furtives avec des éphèbes, à ses éblouissements face aux garçons et à ses refoulements, mais aussi à ses rapports avec ses enfants, Klaus et Erika, eux-mêmes homos et écrivains. Livre touffu, magnifiquement écrit, Le Magicien porte bien son titre.

Colm Tóibín, Le Magicien, éd. Grasset, 26 €.

Cantate amoureuse

C’est une romance sur fond de piano que nous raconte ce délicat manga en deux volumes, une histoire d’amour naissante entre deux adolescents qui vont s’épauler l’un l’autre pour faire face à l’adversité. D’un côté, on a donc Minatobe, qui voudrait apprendre le piano pour faire plaisir à sa petite sœur ; et de l’autre Nari, jeune prodige qui ne veut plus se produire sur scène.

Naka Nakaoka, l’autrice, réussit, grâce à la finesse de son trait, à rendre palpable le désarroi de ses personnages, et la façon dont ils s’entraident pour prendre confiance en eux. Cela résonne comme une petite cantate charmante, pleine de douceur et de sensibilité.

Naka Nakaoka, Les Étoiles au bout des doigts, éd. Akata, 2 volumes, 8,05 €. chacun.

Doux-amer

Ce premier roman a fait sensation aux États-Unis lors de sa publication, et son adaptation cinématographique est déjà en cours. Ce succès outre-Atlantique est très mérité, car Real life est une merveille, un de ces romans dont on se souvient longtemps. Wallace, son héros, est un étudiant noir, le seul de son université de biologie. Il est aussi gay. Et ces deux identités lui posent problème, comme on s’en rend compte progressivement dans ce récit tout en nuances et en petites touches précises. Non seulement il accepte sans broncher les remarques racistes et les discriminations scolaires, mais il couche avec un blanc qui se prétend hétéro…

Récit initiatique doux-amer, Real life touche au cœur tant on sent à quel point il est imprégné des expériences de Brandon Taylor, un auteur dont on est sûr qu’on reparlera !

Brandon Taylor, Real life, éd. La Croisée, 21,90 €.

Premières fois

Daniel Arsand n’est plus tout à fait un jeune homme (il a 72 ans), et ce n’est pas vraiment un débutant (il est l’auteur d’une dizaine de romans brillants), mais son dernier et très court texte a la saveur et la cruauté des premières fois. Il s’arrête sur son adolescence dans les années 1960 et en saisit les désirs, les émois, les déceptions amoureuses — garçons qui le séduisent pour le violer, amants qui s’évanouissent dans la nature… — sans pour autant étancher sa soif d’amour.

L’écriture, classique et infiniment poétique, vient désamorcer la violence de certaines situations tout en faisant ressentir à merveille les sentiments confus et contradictoires du jeune homme. Avec Moi qui ai souri le premier, Arsand signe un beau texte, vibrant et sensible, qui ne laisse jamais indifférent.

Daniel Arsand, Moi qui ai souri le premier, éd. Actes Sud, 15 €.

Tu en veux encore ?