Ciné : “Dodo”, la douce folie queer de Panos H. Koutras

Drôle d’oiseau que le dodo, disparu depuis 300 ans. Et drôle de film que “Dodo”, qui le fait réapparaître en Grèce, dans une grande villa, la veille d’un mariage… Le nouveau film du très queer Panos H. Koutras est une séduisante folie douce plus grave qu’il n’y paraît…

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On ne va pas demander au réalisateur d’un OVNI queer comme L’Attaque de la moussaka géante, avec ses savants en blouse rose, ses trans en furie, ses bimbos de l’espace et sa menaçante part de moussaka, de faire des films réalistes. Et même si le Grec Panos H. Koutras peut sembler s’être assagi avec des films plus graves comme Strella (une histoire d’amour impossible entre un père et sa fille trans) ou le récit initiatique de Xenia, le baroque, le fantastique et les tragédies antiques revisitées ne sont jamais très loin. Autant dire que s’il change de genre au gré de ses projets, Panos H. Koutras ne change pas fondamentalement. Dodo, son nouveau film, en apporte la preuve à qui en aurait douté. 

Dans une grande villa du côté d’Athènes, un mariage se prépare. C’est sans compter avec la révélation de multiples secrets, qu’ils soient de famille, sexuels ou financiers. Bref, rien ne va se passer comme prévu.

La faute à qui ? A l’apparition incongrue dans le jardin du dodo du titre, ce drôle d’oiseau géant officiellement disparu depuis plusieurs siècles, et qui pourtant n’en finit pas de surgir dans tous les coins de la vaste demeure des parents de la future mariée — une actrice populaire dépressive et un homme d’affaires au bord de la ruine —, mettant tous les personnages face à eux-mêmes, à leurs mensonges, à leurs faux-semblants… La dimension sexuelle en moins (encore que…), le gentil dodo qui pousse des cris perçants, perd ses plumes rainbow, dépérit dans une cheminée aux allures de placard… est un peu l’équivalent de l’ange blond du Théorème de Pier Paolo Pasolini qui bouleversait lui aussi toute une famille, sans distinction de sexe, de sexualité (gay ou hétéro peu importe) ou de genre.

Reprenant ici certains des thèmes et motifs qui structuraient déjà Real Life, son deuxième film inédit en France (la crise de la famille bourgeoise et de la société, le huis clos à la fois protecteur et enfermant, l’irruption inopinée du fantastique, les ressorts de la sitcom et du mélo…), le cinéaste s’amuse à ne jamais emmener ses 14 personnages là où on l’attend, et donc à joyeusement perdre les spectateurs dans les multiples recoins de ses histoires croisées.

Oeuvre libre et qui prend son temps pour laisser entrevoir les raisons de chacun d’agir comme il le fait sans les juger, film doux et grave comme les yeux du dodo, le film, avec sa nature intrinsèquement queer, intrigue et séduit.

Dodo, de Panos H. Koutras, avec Smaragda Karydi, Akis Sakellariou… Sortie en salle le 9 août 2022

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