“Flee” : pourquoi il faut absolument voir ce film d’animation

Amin, nĂ© en Afghanistan, a dĂ» fuir son pays pour Ă©chapper aux Talibans mais aussi pour vivre son homosexualitĂ©. C’est son incroyable odyssĂ©e que reconstitue « Flee Â», magnifique documentaire en images animĂ©es. AprĂšs une diffusion sur Arte au dĂ©but de l’Ă©tĂ©, il est Ă  voir sur grand Ă©cran dĂšs le 31 aoĂ»t.

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Un petit garçon en robe bleue, walkman rose sur les oreilles, courant et dansant dans les rues en écoutant Take on me, le tube de A-Ha : qui pourrait croire que cette scène se déroule à Kaboul, au milieu des années 1980, dans cet Afghanistan d’avant les Talibans dont on peine à se souvenir qu’il a pu exister ? Cette séquence se situe au tout début de Flee, l’éblouissant documentaire du Danois Jonas Poher Rasmussen, qui a choisi de le réaliser sous forme de film d’animation. Cela lui permet de poétiser les souvenirs douloureux qu’il raconte, de tenir à distance les tragédies qu’il retrace, et dans le même temps de les rendre universels et infiniment bouleversants.

Le petit garçon en robe bleue s’appelle Amin. C’est lui qui raconte, devant la caméra du réalisateur, son ami depuis l’adolescence, c’est lui qui replonge dans son passé et retrace son parcours de réfugié qui l’a conduit de Kaboul à Copenhague, de cette enfance lumineuse à son statut actuel de brillant universitaire, de ses premiers émois indicibles face aux films de Jean-Claude Van Damme à ses doutes au moment de se marier et d’acheter une maison avec Casper, son compagnon danois. Rien de tout cela ne fut facile. Sa vie a été jalonnée de drames, de fuites, de déracinements, d’abandon aux mains de passeurs sans scrupules ni humanité, de disparitions, de naufrages, d’enfermements dans des camps de rétention insalubres, de secrets obligés et de mensonges pour survivre…

On pourrait continuer longtemps la liste de tout ce à quoi Amin a dû faire face au fil des ans et qu’il livre ici pour la première fois à son ami Jonas lors de séances d’enregistrement qui sont autant de séances d’analyse : le réalisateur ne s’y trompe pas, qui filme Amin allongé devant lui comme sur un divan, se livrant face caméra à cet exercice difficile de dire pour la première fois toute la vérité qu’il a dû garder cachée pour ne pas vaciller et ne pas mettre ses proches en danger. Amin d’ailleurs n’est pas son vrai nom…

Troué par moments d’images tout droit sorties des reportages télévisés qui donnent une intensité incroyable au réel de cette histoire vraie — sur la prise de Kaboul par les Talibans, le naufrage d’un navire chargé de réfugiés, le sordide d’un camp en Estonie… —, Flee est un document essentiel sur les drames de notre temps tant ces images et ce récit font écho à l’actualité brûlante — le retour des Talibans au pouvoir il y a quelques mois, la fuite éperdue des Ukrainiens face à la guerre…

Il est aussi le portrait sensible d’un jeune homme né dans un pays où l’homosexualité est niée et réprimée et qui a dû en permanence lutter non seulement pour sa vie mais pour pouvoir être lui-même et vivre ses désirs. On mesure tout au long de ce beau film à la fois intime et politique à quel point ce combat l’a construit, mais l’a aussi obligé à se blinder, à refuser de se livrer entièrement, à toujours se fuir en quelque sorte, même ses sentiments. Les dernières images, douces et apaisées, disent que peut-être Amin a enfin trouvé le calme, que peut-être, enfin, il ne va plus devoir fuir, comme si Flee avait tenu le rôle d’exorcisme de tous les démons de son passé. Flee, d’ailleurs, ne signifie-t-il pas Fuir ?

Flee, de Jonas Poher Rasmussen. Sur arte.tv jusqu’au 28 juillet 2022 et au ciné à partir du 31 août 2022.

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