Netflix : La face cachĂ©e des beaux gosses d’Abercrombie & Fitch

Comment le symbole de la mode amĂ©ricaine est-il devenu l’une des marques les plus dĂ©testĂ©e outre-Atlantique ? Un documentaire sur Netflix explore l’histoire sombre de la culture des États-Unis avec derriĂšre le cĂŽtĂ© sexy, le racisme, le sexisme et les LGBTphobies


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L’ouverture en grande pompe de la boutique Abercrombie & Fitch sur les Champs Élysées en mai 2011 avait fait grand bruit. Comme pour toutes les inaugurations des magasins de la marque, une trentaine de beaux mecs musclés et torse-nu accueillaient les clients. Nous étions alors dans les années glorieuses d’Abercrombie. Pour quelques temps encore… C’est ce que nous montre le documentaire Abercrombie & Fitch : une marque sur le fil qui déroule plus de trente années d’impunité au regard de la loi du travail.

À la fin des années 80, Abercrombie est une marque américaine qui a plus de cent ans qui ne vend plus grand chose. Son propriétaire, Les Wexner (qui détient également la marque Victoria’s Secret), fait appel en 1992 à Mike Jeffries qui devient PDG. Et c’est le grand changement. Jeffries, alors dans le placard, décide qu’A&F allait habiller le jeune bel étudiant musclé qu’on voit sur les campus et pour cela, il va faire appel au photographe mondialement connu Bruce Weber… Le succès est immédiat. Et les bad buzz également…

Une iconographie clairement homo-érotique

Quand Jeffries décide de confier l’image d’Abercrombie & Fitch à Bruce Weber, il sait parfaitement ce que le photographe a déjà fait : il est l’un des auteurs (avec Herb Ritts) des images des campagnes de publicité de Calvin Klein dans les années 80. Il a modernisé et sexualisé la marque. Des modèles musclés très sexys, des photos en noir et blanc, on est à fond dans le culte du corps. Bruce Weber fera la même chose pour A&F. De la décoration des boutiques aux packaging, tout tournera autour de cette iconographie pas très éloignée de la photographie dite « culturiste » des années 60 de Bob Mizer ou Jim French. Les gays adorent la marque même si, derrière le côté homo-érotique affiché, est célébrée avant tout la virilité hétérosexuelle… On est dans les années 90, l’âge d’or de la gym-queen !

Une marque très blanche…

« Nous embauchons des gens beaux parce qu’ils attirent d’autres gens beaux », explique Mike Jeffries en 2005 quand la marque subit son premier recours collectif contre les discriminations à l’embauche. Et par « beaux », Jeffries entendait que les vendeurs ressemblent aux mannequins photographiés par Bruce Weber : musclés, sexys et… blancs. Les salariés racisés étaient cantonnés aux taches de nettoyage quand la clientèle n’était pas là…

La polémique ne s’arrêtera pas là puisque toute une série de tee-shirts Abercrombie censés faire de l’humour, utiliseront des slogans clairement racistes dont le désormais célèbre « Two Wongs Can Make It White » conspué par tous les étudiants d’origine asiatique des campus américains. Ces derniers appelleront au boycott de la marque.

A&F se vantait dans les années 90 de promouvoir un modèle universel de la jeunesse américaine. Mais les temps ont changé et la tempête arrive à la fin des années 2000…

La descente aux enfers !

En 2004, Abercrombie & Fitch a accepté de payer 50 millions de dollars à des employés et de personnes issues de minorités ethniques qui affirment avoir été discriminées à l’embauche par l’entreprise. En 2011, la marque se voit contrainte de retirer des rayons des modèles de bikinis pour des fillettes de 7 ans rembourré au niveau des seins. La même année, la marque sort une taille XXXS, faisant écho aux tailles de certains mannequins. Scandale ! En plus, elle annonce fièrement détruire tous les vêtements retournés par les clients parce que, selon un de ses cadres, « Abercrombie ne veut pas laisser penser que n’importe qui, une personne pauvre, peut porter ses vêtements »… Les appels au boycott et les scandales à répétitions inciteront Les Wexner à pousser Mike Jeffries vers la sortie en décembre 2014. Le même Les Wexner qui sera impliqué dans l’affaire de pédophilie de Jeffrey Epstein en 2019. L’année précédente, c’est Bruce Weber qui sera accusé par des mannequins de comportement sexuel déplacé. Un empire et un pan de la culture américaine s’est effondré avec la chute d’Abercrombie & Fitch.

Abercrombie & Fitch : une marque sur le fil , de Alison Klayman. À voir sur Netflix.

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