À 40 ans, ils n’ont jamais vécu en couple

On les dit égoïstes, incapables d’aimer ou pire, totalement asociaux. Les mecs qui n’ont jamais vécu en couple sont-ils à fuir ? Décodage complet avec les témoignages des premiers concernés.

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Ils sont attirants, drôles et ne sont pas les derniers quand il s’agit de batifoler. Bien dans leur tête, ces mecs n’ont jamais eu l’envie de partager le quotidien avec un autre garçon. « Son chat, son bordel, ses habitudes, je n’en veux pas chez moi » explique Tristan, 43 ans, qui n’a eu pour colocataire qu’un étudiant hétéro alors qu’il faisait ses études. Avec l’amant qu’il a eu pendant 8 ans, il a partagé les vacances, un week-end sur deux et des soirées chez leurs amis communs. « Il laissait dans un tiroir un slip, un tee-shirt et une brosse à dents, chacune de ses venues étaient une fête, nous avons échappé à l’ordinaire, aux habitudes… » se souvient-il.

L’histoire a pris fin, ils sont encore proches et le joli quadra se dit un peu lassé d’avoir à se justifier : « J’entends sans cesse que je serai tourné vers mon nombril et incapable de m’engager, mais je crois que les gens se trompent : je peux être très présent quand j’ai un amoureux. » Tristan aide pour les déménagements des autres : « Quand je vois certains de mes copains qui ont six compagnons différents à 30 ans, je ne suis pas sûr qu’à chaque fois, c’était de grandes histoires. » Le modèle du couple traditionnel est loin d’être le passage obligé du bonheur et ça lui paraît survendu. Son intérieur est son cocon, il est un peu décorateur un peu styliste comme dans la chanson : « J’aurais pu me servir d’un mec pour m’occuper, me faire aimer, je ne l’ai pas fait. Si un jour, je vis à 100% avec un homme, ça sera simple et évident, par pour partager le loyer ou occuper une solitude que je ne ressens pas. »

L’attention à soi

C’est très con, mais nous avons parfois un peu intégré les insultes, les reproches adressés aux gays. Lors des manifestations contre le droit au mariage, en 2012, quelques psys mal inspirés ont cru malin de présenter les gays et les lesbiennes comme incapables d’altérité. C’est un vieux ressort de l’homophobie, et c’est une erreur : l’altérité désigne l’autre, l’intérêt que nous lui portons et ne fait pas entrer la notion de genre. Ne pas partager le même toit qu’un amoureux ne veut pas dire être incapable de partager. Profiter de soi-même, être en accord avec ses désirs, prendre le temps de les connaître ne veut pas dire mépriser l’autre.

« Le modèle du couple, c’est celui de mes parents, qui vivent ensemble en se détestant ou de mes frères hétéros qui rêvent d’une vie en dehors de leur couple et sont fliqués comme des enfants » explique Jérôme, qui a abordé le sujet lors de sa thérapie. « Je me sentais obligé de parler de ça, car la pression sociale est forte. J’ai aimé avec passion, je n’ai pas peur de l’amour mais je ne me sens pas incomplet ou raté parce que je vis en solo » explique Jérôme, 39 ans. « Je n’ai pas peur d’être abandonné, je vais vers les autres » dit celui qui organise fêtes et dîners. Est-ce qu’il s’est déjà fait traiter de vieux garçon ? Oui, et ça l’amuse. Il signale qu’autour de lui, les non-cohabitants qui s’aiment sont nombreux. Il connaît aussi des couples qui font chambre à part et le vivent bien.

Le pseudo défi

Philippe, 48 ans s’amuse de son incapacité à vivre sous le même toit que quiconque : « Je déteste passer un week-end chez ma mère et en vacances, je prends une chambre d’hôtel rien que pour moi, car j’aime m’endormir seul. » Il a ses petites manies, sa musique douce et calmante. Ce qui l’amuse ? C’est de représenter une sorte de défi. « Mes petits amis veulent être le premier à partager mon chez-moi. Peu à peu, je leur explique qu’ils n’ont pas besoin de coller à l’image du mari idéal, une copie de l’épouse des années 30, un truc pas super moderne. » Ne pas partager son appart, c’est pour lui une façon de s’affranchir de cette image de gay « parfait », bien coiffé, joliment musclé, qui va à la gym avec son mari et écoute de l’opéra en cuisinant. Le pseudo contrat de fidélité ne l’intéresse pas plus que la conjugalité. Philippe peint, lit et donne bénévolement des cours d’alphabétisation.

L’engagement de nombreux gays, célibataires ou pas, dans des associations d’entraide montrent selon lui qu’ils ne sont pas autocentrés du tout. Ni repoussoirs, ni modèles, nos trois garçons ne sont ni plus névrosés, ni plus méfiants, ni plus solitaires. Ils n’utilisent pas les autres et assument un choix. Pour en changer, un jour peut-être.

Tu en veux encore ?