Qui était Wakefield Poole, l’un des pionniers du X gay ?
Disparu le 27 octobre dernier, le réalisateur Wakefield Poole fut un des pionniers du porno gay au début des années 1970, auteur de chefs-d’œuvre oubliés mais dont la beauté saute encore aux yeux… Jock.life lui rend hommage.
Une plage de Fire Island écrasée par le soleil. Un jeune homme blond sort de l’eau et croise sur la plage un brun barbu. Ils se dirigent vers le petit bois tout proche… C’est ainsi que commence Boys in the Sand, premier film de Wakefield Poole, un des tout premiers pornos gays réalisé quelques mois seulement après l’autorisation de la pornographie aux Etats-Unis en 1971, et surtout sans doute le plus célèbre et le plus mythique de ces films fondateurs. En effet, Wakefield Poole réalise une manière de chef-d’œuvre immédiat, créant la première porn star gay (le surfeur blond Casey Donovan, qui fera une belle carrière dans le X), imposant immédiatement un certain nombre de codes physiques et de récits qui ne vont cesser d’être repris par la suite. Mais le talent de Poole éclate aussi dans la manière dont il nourrit son film de références au cinéma underground de l’époque (celui d’Andy Warhol notamment) tout comme à la peinture (les garçons nus dans la piscine ne peuvent que faire penser à David Hockney).
Et c’est peu dire que Boys in the Sand fait sensation : il obtient des critiques élogieuses dans des journaux aussi prestigieux que Variety ou le New York Times — aucun autre porno homo n’aura jamais cet honneur ! Il attire aussi les foules puisque le film entre dans le top 50 des films les plus vus aux États-Unis le mois de sa sortie. Là encore, aucun de ses successeurs ne fera aussi bien.
Bijou de famille
L’année suivante, Wakefield Poole récidive et signe un nouveau bijou du X, un film intitulé Bijou justement, mélange improbable et somptueux de fantasmes débridés — au premier rang desquels la queue invraisemblable de son héros, Bill Harrison — et de film expérimental. L’ensemble est fascinant comme une liturgie amoureuse et charnelle portée par une musique enveloppante et un rythme à la lenteur poétique et d’une sensualité folle, où la caméra prend le temps de flatter les anatomies et de laisser glisser les spectateurs dans le monde à part du Bijou, étrange club où des néons enjoignent à se déshabiller, à s’abandonner, et où des mains surgissent de nulle part (comme chez Cocteau) tandis que des bites jaillissent de bouches.
Artiste du porno, Wakefield Poole fera d’autres films bien sûr, des X gays, des pornos chics bis, mais aucun n’aura la splendeur ou l’originalité de ces deux œuvres initiales.
Ancien danseur et chorégraphe, il sombre peu à peu dans la cocaïne et abandonne le cinéma dans les années 1980, alors que le sida fait des ravages autour de lui : “Le sida est la raison pour laquelle j’ai cessé de faire des films, expliquera-t-il plus tard. J’ai perdu une grande partie de mes fans à cause du sida. Je les ai vu mourir. C’est un miracle que je ne sois pas mort moi-même. La cocaïne m’a sauvé la vie. J’étais tellement dans la coke que je ne pouvais avoir de sexualité.”
Après sa retraite du monde du cinéma, il prend des cours de cuisine et devient l’un des cuisiniers attitrés du couturier Calvin Klein. Retiré en Florida au début des années 2000, il y est mort à l’âge de 85 ans. Il est temps de redécouvrir ses films.