Dessins : Les bogosses de Léon

Interview de Léon, un artiste algérien vivant à Oran, et qui se spécialise dans les dessins de beaux hommes murs poilus. Du nounours bien viril, mais souvent avec une pointe de tendresse et de douceur. Il a contribué au volume 2 et au volume 3 de Bogossbook qui est sorti dernièrement.

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Retrouvez Léon dans le Bogossbook volume 3 disponible ici

Léon, comment en es-tu venu au dessin ?

Aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours eu un crayon à la main et des tonnes de papier à disposition. Je dessinais assez bien avant même d’apprendre à écrire. Ma grande sœur aimait bien dessiner et j’ai dû m’inspirer d’elle. Puis mon entourage ayant remarqué que j’avais un talent pour le dessin, ils m’ont très tôt encouragé en m’offrant du matériel, de la peinture, des crayons de couleurs, etc. Je me souviens que mon père me ramenait souvent des rames de formulaires de son boulot pour que je dessine sur le dos des feuilles (rires). Plus tard il continua à m’acheter des livres pour apprendre le dessin académique et c’est comme ça que je me suis formé en autodidacte en parallèle de ma scolarité.

Tes dessins représentent principalement des hommes plutôt mûrs, souvent barbus, de forte corpulence et très poilus. Pourquoi as-tu choisi de représenter ce genre d’hommes en particulier ?

Dès mon adolescence, je commençais à observer ce type d’homme. Dans le bus, à l’école, à la mosquée…  Mon regard était très attiré par tous les signes de virilité : barbes, poils, forte corpulence, attitude masculine… A cette époque j’étais complexé par mon apparence physique. J’ai eu un retard de puberté, je paraissais plus jeune que les garçons de mon âge (c’est toujours le cas), imberbe et mince, je fantasmais sur le fait de ressembler à l’exacte opposé. Cela a beaucoup impacté mes préférences en termes de mecs. Et avec toutes les hormones de cet âge-là, je me suis mis à dessiner des dessins érotiques d’hommes mûrs, poilus et barbus.

Quelles sont tes principales influences artistiques ?

À la base, je suis un très grand fan de mangas et d’anime japonais : Dragon Ball, Saint Seiya, Sailor Moon… (la génération Club Dorothée) sans oublier les magnifiques œuvres de Hayao Miyazaki. Mais en commençant à faire de la BD je me suis intéressé à d’autres univers artistiques. Certains auteurs m’ont beaucoup marqué comme : Moebius, Ashley Wood, Seung Eun Kim, Bastien Vivès, Run, Mike Mignola… Ainsi que des illustrateurs et peintres tels que : Phil Hale, Sergey Kolesov, Nesskain, Alex Grey…

Tu vis actuellement en Algérie ; est-ce que ton environnement influence ton art ?

Hum… Oui et non ! Dans ma famille, nous ne sommes pas très imprégnés par la culture algérienne traditionnelle et je me vois comme un citoyen du monde donc j’essaye avant tout d’avoir une approche universelle concernant l’érotisme et la romance dans mes dessins mais en même temps ça reste très personnel et subjectif. Dernièrement je me suis amusé à intégrer certains éléments de la culture algérienne dans mes œuvres comme par exemple dans le volume 3 de Bogossbook, j’ai voulu représenter une scène dans un hammam (bain traditionnel) où les hommes se retrouvent, discutent, et prennent leur bain ensemble, certains font des massages à d’autres, des soins de la peau, etc. Et j’ai trouvé ça sympa d’y intégrer une certaine ambiguïté ou tension sexuelle avec un sentiment de retenue et de douceur.

Ton pseudo sur Instagram est @My_Hairy_Romance : il y a donc du romantisme sous le poil !  Est-ce important pour toi de montrer le côté romantique du monde gay ?

Absolument ! Deux hommes virils qui s’échangent de l’affection avec tendresse, je trouve ça très beau. Derrière toute cette testostérone se cache souvent un cœur tendre et un grand manque d’affection… En tous les cas, c’est comme ça que j’aime bien l’imaginer !

Est-ce difficile aujourd’hui d’être un artiste gay en Algérie ?

Ici en Algérie je ne peux pas exposer ou publier mes dessins, l’érotisme et l’homosexualité sont encore tabous dans notre société. J’ai pendant longtemps gardé mes dessins cachés au fond d’un tiroir si toutefois je ne m’en débarrassais pas juste après les avoir finis… Le plus dur pour moi ça a été de m’assumer en tant que gay ! J’ai dû remettre en question beaucoup de croyances et changer à plusieurs reprises ma vision des choses. Avec du recul je réalise que c’était un mal pour un bien. Et depuis que j’ai fait mon coming out, j’ai décidé de partager mes fantaisies sur internet. Cela m’a beaucoup aidé à me débarrasser de ma frustration surtout quand j’ai vu que mes dessins érotiques avaient plus de succès que le reste de mon travail ! Donc aujourd’hui, ce n’est pas difficile car avec les réseaux sociaux, c’est possible de se lancer dans une carrière artistique, mais plutôt à l’international.

Tu as récemment participé au Bogossbook (volume 3), ce recueil de dessins érotiques qui rassemble plus de 80 artistes du monde entier ; qu’est-ce qui t’intéresse dans ce genre de projet ?

J’ai toujours adoré les Artbooks et j’avais déjà participé à des projets collectifs de Bande Dessinée et comptes illustrés. Je trouve que c’est un très bon moyen pour mettre en avant la diversité et la richesse des représentations artistiques autour d’un sujet ou un thème particulier et tout ça dans le même ouvrage. Ça me permet aussi de découvrir de nouveaux artistes et avoir la chance d’être publié avec certains dont je suis déjà fan.

As-tu d’autres projets en cours ?

Oui, je suis toujours la tête dans plusieurs projets à la fois et dans différents domaines, mais du coup je mets beaucoup de temps pour avancer dans chacun d’eux… J’ai par exemple, un projet de Fanzine BD, une série d’illustrations digitales pour une exposition, un projet de vente en ligne de t-shirts, et même un business de pâtisserie en ligne ici dans ma ville.

Propos recueillis par David Foissard, éditeur du Bogossbook.
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