monsieur gac, le photographe de tous les corps

On reconnaĂźt les photos de monsieur gac, chaque fois qu’on en croise une, tant son style clownesque interpelle. Il photographie tous les corps, il met en relief les dĂ©tails qu’on aimerait ne pas voir pour les rendre beaux. Comme un enfant et sa pĂąte Ă  modeler
 Rencontre.

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Comment se construit ton inspiration ?

En fait, l’élément déclencheur chez moi, a été une visite au centre Georges Pompidou, et la découverte vers l’âge de 12 ans du tableau d’Otto Dix, Le portrait de la journaliste Sylvia Van Harden, peint en 1926. Depuis, ce tableau est comme une marotte, une source d’inspiration : le personnage de monsieur gac que j’ai créé, vient d’elle. 

monsieur gac

Les visages, les portraits sont la principale ligne rouge de mes photos. Cette période de l’expressionnisme des années 1920 et 1930 est un fondamental dans ma création. Et puis il y a tous ces photographes qui me stimulent dans l’envie de capter nos émotions, nos intentions, nos sentiments :  Erwin Olaf, Vivian Mayer, Cindy Sherman, Nan Goldin, Martin Parr, Robert Mapplethorpe…

Pourquoi ces touches de couleurs dans tes photos ? Qu’est-ce qu’elles veulent dire ?

Sans doute le gout du spectacle, du « il faut que ça se voit », du côté exagéré… Je pense que je suis encore un enfant, même si les 50 ans approchent. Et puis, et surtout, pour que la vie soit une fête, une jolie guinguette où l’on s’amuse.

Le temps qui passe semble être extrêmement important dans tes photos notamment avec le travail que tu fais sur le grain de la peau. C’est voulu ?

Le papier que j’utilise pour les impressions va dans ce sens. Gros grains et mat. Le grain est assumé pleinement. Ça me touche particulièrement d’accentuer le grain de peau, de rendre encore plus visible le maquillage sur les modèles, comme si on voyait encore la trace du pinceau. Je ne veux absolument pas gommer les moindres petits défauts, j’ai même tendance à les accentuer, toujours dans le respect du modèle. Je trouve que les traces du temps sur les corps, sur les visages sont des livres de vie à ciel ouvert, des livres dans lesquels on peut projeter l’histoire qu’on a envie de découvrir. 

Où trouves-tu tes modèles ?

Tout a commencé avec la rencontre d’un modèle. Nous avions posé tous les deux pour un photographe, une rencontre comme ça par hasard. Et puis il a voulu poser pour moi, je n’ai pas dit oui tout de suite… (Rires) et je ne sais pas pourquoi. Il s’agit de Fabrice Mattéoli. Depuis, nous avons fait une quinzaine de shootings ensemble. Il est devenu ma muse.

Chaque nouvelle fois est comme la première fois mais riche des anciennes séances avec lui et tous les autres modèles. Grâce à son réseau, et grâce aux réseaux sociaux aussi, grâce à la communauté LGBT, et à des expos dans des lieux à Paris comme les cafés M’sieurs-Dames ou le Duplex, je n’ai pas eu beaucoup à chercher, les modèles sont venus d’eux-mêmes. Sans doute mon style a fait échos en eux.

Tu sembles aimer tous les corps. Quels sont tes préférés et pourquoi ?

Je ne suis pas sûr d’avoir un « corps préféré ». Ce qui compte c’est la rencontre, l’échange qui se fait pendant le shooting. Alors oui, je suis gay, donc les corps masculins sont peut-être plus faciles à photographier pour moi… quoique. Mais vraiment toutes les morphologies, toutes les couleurs de peau me donnent une vraie envie. C’est aussi le challenge de savoir comment appréhender au plus juste l’apparence que m’offre le modèle.

Le féminin-masculin semble être une obsession dans ton travail. Comment l’analyses-tu ?

Certainement le besoin, l’envie du mélange masculin-féminin et, à mon niveau, faire tomber cette barrière idiote entre les deux sexes. Je ne trouve parfois rien de plus masculin qu’un homme qui s’accapare d’accessoires dits « féminins ». Comme la photo de mon père Marcel (ci-dessous).

Nous avons tous en nous du masculin, du féminin, j’essaie de faire ressortir ces parties de nous. C’est vrai que j’aime féminiser les hommes, et rendre les femmes plus dures, sans doute que je tombe aussi dans des clichés. (Rires) Je n’impose rien, j’ai l’impression que ce jeu du travestissement plait aussi aux modèles. C’est juste un jeu.

Il y a quelque chose de paradoxal dans tes photographies : c’est le côté statique de tes modèles et le mouvement qui semble les émouvoir. Pourquoi ?

En fait je pense que le visage n’est rien d’autre que le miroir du corps et réciproquement. Nous sommes un tout, chaque centimètre de notre corps réagit à n’importe quelle émotion. Être passé par le théâtre et par la danse a, bien évidemment, influencé ma perception des choses et la façon de les montrer. Pendant la séance, le modèle est aussi bien assis que debout. Je lui demande de danser, d’exagérer ses intentions. Et puis les shootings sont très vivants. Il n’y a pas de pose, d’arrêt sur image. J’essaie de capter le moment “M” pendant la conversation.

As-tu des projets en cours ?

Rencontrer de nouveaux modèles pour continuer à chercher, à perfectionner. Et je recherche des lieux, des galeries pour exposer, montrer et aller à la rencontre des hommes et femmes que mon travail peut titiller.

Vous pouvez retrouver le travail de monsieur gac sur son site ou sur Instagram

Tu en veux encore ?