« The Fans », le court métrage gay censuré par Moscou  

Ce très beau court métrage de 25 minutes, sombre et réaliste, suit l’errance de deux skinheads supporters de football qui assassinent des homosexuels dans les parcs moscovites. Ils vivent une relation trouble mêlant bromance, culte de la virilité, désirs et violences. « L’idée du film, raconte le réalisateur Seva Galkin à Jock.life, a été inspirée par une info parue en décembre 2016. Deux fans de football skinheads faisaient la chasse aux gays et ont fait au moins six victimes selon l’enquête. Et ce qu’on a appris grâce à la presse, c’est qu’ils étaient dans une relation « amoureuse » ce qui n’a même pas été évoqué pendant le procès en 2018 et ne semblait pas être un élément important pour la justice ».

Le film, qui ne ménage pas ses spectateurs, décrit via l’évocation de ces faits criminels, un état des lieux consternant des conditions de vie des LGBT en Russie et alerte sur le cocktail explosif « homosexualité mal vécue + homophobie d’état ». Pour Seva Galkin, « le terme de « fans » inspiré du football et qui s’est imposé pour le titre du film, reflète une réalité, celle d’une croyance aveugle en certains principes idéologiques. De nombreuses personnes dans la société russe n’ont aucun recul critique par rapport à ce qu’elles voient à la télévision notamment sur la propagande anti-gays. Le film évoque également les nouveaux défis de la Russie vis-à-vis du capitalisme et la communication sur la guerre avec l’Ukraine ».

The Fans devait être montré hors-compétition parmi une sélection d’autres films russes et il était très attendu, notamment par ceux qui avaient participé à son financement via une plateforme de crowdfunding. « Mais, en 24 heures, il a disparu du programme officiel sans explication, poursuit Seva Galkin, et c’est compliqué pour moi de tenter d’expliquer ce qui a effrayé ceux qui ont interdit la projection. Peut-être que les questions difficiles que soulève The Fans ne peuvent pas être interrogées ? La propagande militaire de l’état, les inégalités sociales, et ce à quoi cela mène, sont des sujets qui ont fait peur aux dirigeants du festival ».

Cette annulation, qu’on peut aussi imaginer dictée par les plus hautes autorités du pays ou, en tout cas, par le climat de terreur qu’elles entretiennent sur les sujets LGBT, n’était peut-être pas la bonne solution pour tenter de censurer le film comme le résume le réalisateur : « Cette interdiction de projection au festival international du film de Moscou a eu l’effet inverse. Il a déjà été projeté trois fois dans des lieux alternatifs à Moscou mais également à Saint-Pétersbourg et Nizhny Novgorod. Tout cela grâce au scandale qui a été rapporté par la presse ».

Le retentissement de cette censure précipitée aura même alerté les festivals internationaux puisque le film, déjà présenté entre autres à Dublin ou à Oslo, aura les honneurs dans les prochains mois de festivals au Canada, en Estonie, en Slovénie et même aux États-Unis.

Regardez le film en VOD (sous-titres anglais)