Édouard Louis, Arthur Dreyfus, John Waters… Les 5 livres gays du mois

Des corps à corps, des bons conseils, un drôle de chien, du stress et des nouvelles de la famille : cinq livres à lire pour supporter les dernières semaines de confinement…

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Tout sur sa mère

Après son enfance, après le portrait-réhabilitation de son père, Edouard Louis poursuit son exploration familiale dans ce nouveau livre qui aurait pu s’appeler Tout sur ma mère. La recette est toujours un peu la même que celle qui a fait le succès de Pour en finir avec Eddy Bellegueule, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit moins efficace. Il s’agit de mettre à jour les systèmes d’oppression (masculine, de classe…) dont sa mère a été victime et qui ont brisé un élan qu’elle a mis des décennies à retrouver. Il détaille les étapes de l’histoire de cette mère adolescente, mariée à 18 ans, enfermée pendant 20 ans dans une vie qu’elle n’aimait pas, et qui à plus de 45 ans, va enfin se libérer des carcans. Moins en colère que Qui a tué mon père, ce livre est comme le précédent une tentative de réconciliation de l’auteur avec son passé…

Édouard Louis, Combats et métamorphoses d’une femme, éd. Seuil, 14 €.

Savoir-vivre

Quand les temps ne sont pas à la rigolade, rien ne vaut une bonne dose d’humour furieusement incorrect pour s’évader de la morosité ambiante. C’est tout ce que propose ce réjouissant manuel de savoir-vivre rédigé par l’homme qui, dans les années 1970-1980, symbolisa le mauvais goût et le trash, à travers des films underground et ultra queer (Pink Flamingos, Polyester, Hairspray…) portés par l’inimitable Divine. Désormais célébré partout, John Waters ne s’est pourtant pas vraiment assagi avec l’âge (il a 74 ans désormais), et ce livre, à la fois mémoires, compilation d’anecdotes, conseils essentiels et absolument politiquement incorrects (“pour enseigner aux enfants un usage correct et responsable des poppers”), en est la preuve. Hilarant et irrésistible.

John Waters, M.Je-sais-tout, conseils impurs d’un vieux dégueulasse, éd. Actes Sud, 23 €.

Toujours plus !

2304 pages ! Autant dire que si la taille, ça compte, Arthur Dreyfus est fort joliment doté… Pour autant, il ne faut pas se laisser impressionner par l’engin, si on ose l’écrire, que le jeune homme pressé de la littérature gay française (34 ans et déjà quatre romans à son actif, plus un film à sortir bientôt, plus plein d’autres choses) met ainsi entre nos mains réjouies. Car ce Journal sexuel qui porte à merveille son titre, se prend allègrement dans tous les sens : on peut sauter des pages et des pages, revenir en arrière, écourter un plan, s’attarder sur un autre, sans pour autant jamais perdre l’essentiel : l’obsession gloutonne de Dreyfus pour le sexe, puisque c’est bien ici ce dont il s’agit. Le brillant écrivain chevauche ainsi à toute allure ses fantasmes croisés sur les applis, passant de l’un à l’autre, leur trouvant des surnoms, racontant leurs galipettes, tout en s’essayant entre deux séances de baise à s’auto-analyser. Il y a quelque chose de vertigineux dans ce journal des ébats d’Arthur. Et on a bien du mal à savoir les sentiments qu’il provoque en nous : épuisement ou fascination ? agacement ou envie ? malaise ou plaisir ?… Tout cela mélangé bien sûr, et ce n’est pas tout…

Arthur Dreyfus, Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui, éd. POL, 37 €.

Premier roman

Cela commence par un plan cul qui ne se passe pas très bien. Pour son premier roman, le Belge Arnaud Arseni entre tout de suite dans le vif du sujet : la vie sans grands enjeux de Lou, 35 ans, où le sexe joue un grand rôle. Cette vie s’apprête à basculer quand il reçoit au même moment un message lui annonçant la mort de Sacha, son meilleur ami. Et tout remonte à la surface : les traumatismes de l’adolescence, l’homophobie scolaire, la peur, la solidarité du petit groupe d’amis dont Sacha était le pivot, les douleurs… tout ce qui constitue ce stress minoritaire dont Arseni fait le thème sous-jacent de son roman (la cortisol du titre est l’hormone du stress) et dont on sent bien à quel point il n’en finit pas de hanter son héros. En chapitres brefs à l’écriture très rythmée, légère en dépit de la gravité de ses thèmes, Arnaud Arseni réussit à faire vivre des personnages complexes et attachants, emblématiques des traumas de tant de vies LGBTQI.

Arnaud Arseni, Cortisol queen, Mix Editions, 12 €.

Mon chien, ma bataille

Chien-zizi pour les Américains, chien-saucisse pour les Allemands, saucisse à quatre pattes pour à peu près tout le monde, le teckel, depuis son apparition en Allemagne au XIXè siècle, nourrit les fantasmes et les plaisanteries. Chasseur et câlin, opiniâtre et moqué, malicieux et obsédé sexuel, sympathique et pourtant machine à tuer qui ne craint pas d’affronter un sanglier, le teckel est un chien qui ne laisse pas indifférent. Lilian Auzas, qui vécut une passion d’adolescence avec Jumbo et ne s’en est jamais remis, s’amuse à fureter sur les traces culturelles et politiques de ce drôle de chien, que la reine Victoria adorait, que le IIIè Reich utilisa pour sa propagande, que les JO choisirent pour emblème et qui fut célébré par des dizaines d’artistes. Il en livre un petit essai sémillant, fantaisiste et incroyablement érudit au terme duquel on n’a plus qu’une envie : se mettre à quatre pattes pour jouer avec un teckel…

Lilian Auzas, Éloge du teckel, éd. Rivages, 16 €.

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