Macron, d'accord avec la famille de Rimbaud, écarte l'entrée du poète au Panthéon

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L'un des auteurs de la pétition réclamant l'entrée de Rimbaud et de son amant Verlaine au Panthéon, l'écrivain Frédéric Martel, a regretté jeudi la décision présidentielle, fustigeant des héritiers « anti-gay ».

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Emmanuel Macron et Arthur Rimbaud - Everett Collection et Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock

«  Je ne souhaite pas aller à l’encontre de la volonté manifestée par la famille du défunt. La dépouille d’Arthur Rimbaud ne sera pas déplacée 7 du caveau familial de Charleville-Mézières », a écrit mercredi 13 janvier le chef de l’État à l’avocat de la famille.

Une pétition réclamait la panthéonisation conjointe d’Arthur Rimbaud et de son amant Paul Verlaine, signée de presque tous les anciens ministres de la Culture et soutenue par l’actuelle ministre Roselyne Bachelot.

Ce sont « deux poètes majeurs de notre langue » et « aussi deux symboles de la diversité. Ils durent endurer l’homophobie implacable de leur époque. Ils sont les Oscar Wilde français. Ce ne serait que justice de célébrer aujourd’hui leur mémoire en les faisant entrer conjointement au Panthéon  », écrivaient les pétitionnaires, dont des célèbres écrivains, intellectuels, académiciens et universitaires.

En septembre, l’arrière-petite-nièce d’Arthur Rimbaud, Jacqueline Teissier-Rimbaud, avait dit son opposition à cette double panthéonisation, en critiquant l’accent mis sur leur relation, une position partagée par l’association Les Amis de Rimbaud.

S’ils font ensemble leur entrée au Panthéon, « tout le monde va penser “ homosexuels ”, mais ce n’est pas vrai. Rimbaud n’a pas commencé sa vie avec Verlaine et ne l’a pas terminée avec lui, ce sont juste quelques années de sa jeunesse  », a déclaré Jacqueline Teissier-Rimbaud à l’AFP, précisant que son fils et ses petits-enfants partageaient son point de vue.

«  De façon générale, les Amis de Rimbaud sont enclins à penser que ce qui est proposé ne convient pas au personnage d’Arthur », avait indiqué à l’AFP son président Alain Tourneux. « Associer Rimbaud et Verlaine de façon définitive, ad vitam aeternam, n’est pas envisageable, c’est sans doute exagéré  ».

Pas de mention de l’homophobie

Le chef de l’État, seul habilité à décider qui entre dans les nécropole des grands hommes et des grandes femmes, a tranché pour la négative, au nom de la volonté de la famille, sans mentionner dans son courrier la question de la reconnaissance de l’homophobie.

« Compte tenu du rôle particulier que joue le Panthéon dans la construction d’une mémoire républicaine partagée, je ne souhaite pas aller à l’encontre de la volonté manifestée par la famille du défunt », dit-il.

Arthur Rimbaud « restera inhumé aux côtés des siens, dans le caveau familial du cimetière de Charleville-Mézières, sa ville natale et dernière demeure », ajoute Emmanuel Macron, rendant hommage à une « figure majeure de la littérature française, poète incontournable et esprit rebelle  ».

« Le président Macron a respecté les voeux de la famille. C’est un geste qu’elle n’attendait pas et qu’elle apprécie. Emmanuel Macron a su passer outre les lobbies intello parisiens  », s’est félicité Me Emmanuel Ludot, avocat de la famille Rimbaud, à l’AFP.

Roselyne Bachelot avait en revanche souligné l’importance qu’aurait une telle reconnaissance de leur homosexualité. L’un des auteurs de la pétition, l’écrivain Frédéric Martel, a regretté jeudi la décision présidentielle, fustigeant des héritiers « anti-gay » et un président « prétendument lettré » et réclamant une plus grande « diversité » dans la crypte du Panthéon.

« L’entrée au Panthéon de Rimbaud est un mouvement symbolique au long cours qui consiste à désinstitutionnaliser le Panthéon, non pas à institutionnaliser la poésie. Ce ne sont pas des héritiers auto-proclamés, quelques soixante-huitards anti-gays, ni l’élu prétendument lettré d’un quinquennat républicain à bout de souffle qui empêcheront l’entrée de la poésie au Panthéon, celle de sa plus grande diversité, et la nécessaire reconnaissance de l’homophobie dont Verlaine et Rimbaud ont été les victimes », a-t-il réagi. « L’heure d’un nouveau Panthéon, plus proche des Français, plus représentatif, arrivera, inexorablement ».

Avec l’AFP