“Moi, j’embrasse”, “Été 85″… : Les 5 livres LGBT de la rentrée

Alors que la rentrée littéraire bat son plein, Jock vous propose une sélection de romans aux séductions multiples, ainsi que le témoignage intrigant d’un ex-escort devenu tatoueur…

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Premier amour

livre ete 85 chambers point

Sans le film de François Ozon sorti en juillet, personne sans doute n’aurait jamais entendu parler du roman dont il est tiré. Paru discrètement il y a près de 40 ans sous un titre improbable (La Danse du coucou), le livre d’Aidan Chambers, avec ses désirs adolescents, son soleil estival mais aussi la gravité et l’intensité des sentiments qui s’y entremêlent, méritait d’être redécouvert. Hal et Barry nous entraînent à leur suite dans leur course à l’amour , et on se sent terriblement proches d’eux.

Aidan Chambers, Eté 85, éd. points, 7,60 €.

Famile, je vous hais(me)…

un jour ce sera vide lindenberg

Pour son premier roman, c’est aussi sur une plage, en été, que nous entraîne Hugo Lindenberg, une plage normande (comme dans le film d’Ozon) sur laquelle se rencontrent deux garçons, ce qui va bouleverser la vie du narrateur. Sauf que les personnages de Hugo Lindenberg ne sont pas des adolescents, mais des enfants, des gamins d’une dizaine d’années, et que ce qui se noue entre eux ne relève pas du désir mais d’une amitié une peu folle, d’une fascination plutôt que le narrateur, perdu dans une étrange famille qui le met mal à l’aise, en particulier une tante schizophrène et une grand-mère dont il a un peu honte des manières. Alors la mère si élégante de son nouvel ami lui paraît idéale… Magnifiquement écrit et construit, tout en douceur et sensibilité, Un jour ce sera vide parle de comment se construire, de comment trouver sa place : et cela nous parle à tous.

Hugo Lindenberg, Un jour ce sera vide, éd. Christian Bourgois, 16,50 €.

Mon père, ce héros

mon pere ma mere mes tremblements de terre

A 15 ans, Charlie, le narrateur du nouveau roman de Julien Dufresne-Lamy (dont le précédent, l’excellent Jolis jolis monstres, plongée dans le monde des drags et du voguing, sort en poche) n’est plus vraiment un enfant, et presque plus un adolescent tant les deux années qui viennent de s’écouler l’ont fait grandir à vitesse accélérée. C’est ce qu’il nous raconte depuis la salle d’attente d’hôpital où il patiente en attendant son père : l’histoire d’une transition, puisque désormais, son père s’appelle Alice. Si l’on suit le parcours d’Alice, c’est surtout à celui de Charlie au fil de ces mois où tout son univers a été chamboulé, que l’on s’attache, son angélisme, si misérabilisme, sans sensationnalisme : ses incompréhensions, son amour, ses rejets, ses évolutions, ses colères… Un roman qui évite tous les écueils et tous les clichés sur la transidentité.

Julien Dufresne-Lamy, Mon père, ma mère, mes tremblements de terre, éd. Belfond, 17 €.

Rendez-vous manqué

louis veut partir david fortems

L’adolescence encore (décidément !), mais sur un mode plus grave, plus tragique, dans ce premier roman qui commence par une mort, celle de Louis, 18 ans, quelque part dans les Ardennes. Ce n’est pas une mort anodine puisque c’est celle d’un suicide, et c’est bien ce qui bouleverse Pascal, le père de Louis, un ouvrier qui avait toujours cru que tout allait bien pour son fils, peut-être un peu trop réservé et secret, peut-être un peu trop attiré par les livres, mais sans rien qui aurait pu annoncer le drame. Pascal va essayer de comprendre, et va lui sauter au visage ce qui ne soupçonnait pas : la difficulté de Louis à vivre son homosexualité dans un monde qu’il sentait hostile. Il y a des réminiscences de Didier Eribon (Retour à Reims) et d’Édouard Louis (En finir avec Eddy Bellegueule) dans ce roman délicat sur la difficulté à s’extraire de son milieu social, sur l’homophobie intériorisée, mais aussi, et surtout, sur un rendez-vous manqué entre un films et son père.

David Fortems, Louis veut partir, éd. Robert Laffont, 18 €.

Mise à nu

moi j embrasse clement g

Clément a 26 ans aujourd’hui, et ce qu’il retrace dans ce témoignage, c’est sa vie sens dessous-dessous, sa vie violente, dure, extrême jusqu’à l’apaisement qu’il semble avoir enfin avoir trouvé. Si Clément est aujourd’hui tatoueur, heureux en mariage avec Julien, il n’en a pas toujours été ainsi. Adolescent mal dans sa peau, il a voulu être parachutiste. C’est là qu’il a subi des remarques homophobes dont il a longtemps souffert. Après avoir quitté l’armée, c’est le monde de la nuit qui le happe, celui de la fête, de la drogue, c’est l’argent facile en faisant l’escort. Il s’amuse, il se brûle… Dans ce livre très fort, Clément ne s’apitoie jamais sur lui-même. Il se met à nu, il se livre sans complaisance, sans jugement, son corps désormais tatoué comme un rempart, comme le signe d’une renaissance.

Clément G. Moi, j’embrasse, éd. Plon, 16 €.

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