Dessins : Les bogosses de Blake Gildaphish

JocK s’est entretenu avec Blake Gildaphish, un artiste afro-amĂ©ricain de Philadelphie, qui dessine et peint de magnifiques hommes et femmes avec un style trĂšs distinctif, un art Ă  la fois pop et psychĂ©dĂ©lique. DĂ©couvrez son univers.

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Blake, comment t’es-tu mis au dessin ?

Mes souvenirs sont vagues, mais je dessine depuis bien avant la maternelle. Mon père était un illustrateur en freelance et ma sœur a une sensibilité d’artiste, donc j’ai pris ça d’eux. J’étais un enfant fragile qui a passé beaucoup de temps à l’hôpital. Mon père m’achetait des carnets à dessin que je remplissais de gribouillis depuis mon lit d’hôpital. Dès que j’ai eu 7 ou 8 ans, j’ai commencé à écrire des histoires d’horreur et à en faire des storyboards.

@Blake Gildaphish Crédit: Blake Gildaphish

Tu as un style graphique très particulier, que je décrirais comme un mélange entre de l’art nouveau du début du XXe siècle avec tous les éléments de la pop culture des années 70 et 80. Quelles sont tes influences ? 

Au début, c’était tout ce qui était films, comics et clips vidéo. Quand j’étais au collège, je m’inspirais beaucoup des magazines de mode et des clips. Mais c’est quand j’ai découvert Tom of Finland à 18 ans que tout a commencé à prendre forme pour moi, et que j’ai trouvé ma « niche ». Je pensais vouloir devenir la version noire de Tom of Finland, mais finalement, je ne veux être la version de personne. Être Blake Gildaphish est suffisant pour moi. Tout ce que les gens voient sont des amalgames, c’est ce qui me fait MOI. 

@Blake Gildaphish Crédit: Blake Gildaphish

Tu as créé plusieurs personnages qui reviennent régulièrement dans tes dessins, comme Pirarucu, un superbe noir barbu, ou Ben, un rouquin tatoué et son copain noir Phish, ou même Tiffany Lane, une brune sculpturale, et Faye, une superbe blonde. Qui sont ces personnages ?

Pirarucu et Phish sont en fait la même personne. Phish est juste un surnom pour ceux qui ont du mal à prononcer Pirarucu (Pire-a-rou-quiou). J’ai créé Ben quand j’avais 15 ans. En grandissant, tous les personnages que je créais étaient noirs, latino ou asiatiques. Je n’étais pas doué pour dessiner les blancs, ou du moins je pensais ne pas être doué. Ben m’est cependant venu facilement. Je me suis juste souvenu avoir vu un grand rouquin avec des yeux bleu clair et des taches de rousseur… et hop, Ben est apparu. Il n’avait pas vraiment de personnalité à l’époque, mais il était quand même chanteur et musicien. 

J’ai dessiné Ben plusieurs fois en 1999 et 2000, mais il n’est pas vraiment revenu pendant six ans jusqu’à ce que j’invente Pirarucu et que je l’ai recruté pour qu’il devienne son acolyte à taches de rousseur. 

J’ai créé Pirarucu après avoir vu un épisode brésilien de Wild Boyz sur MTV en 2005. Au départ mon idée était d’en faire un sex-symbol iconique en 2D qui pourrait s’imposer dans le « Hall of Fame » des personnages de dessins animés, c’est pourquoi il y a autant de personnages de dessins animés en référence dans mes dessins. Je voulais aussi qu’il soit en quelque sorte un mec de tous les jours, pour que chacun puisse s’identifier à Pirarucu, peu importe sa race.

Faye est inspire de Faith Evans, ma chanteuse R&B préférée. C’est une héritière noire et italienne, avec un diplôme en psychologie. C’est aussi la nounou des deux fils de Pirarucu et la meilleure amie et assistante de Tiffany. J’ai eu l’idée de Tiffany à 14 ans, mais je ne l’ai dessinée qu’à 15ans. Elle est inspirée de Charli Baltimore, une rappeuse de Philadelphie, dont le vrai nom est Tiffany Lane. Son nom s’est comme ILLUMINÉ en moi et j’ai tout de suite eu la vision d’une femme chinoise/ portoricaine très glamour aux formes généreuses d’1,60m avec des cheveux noir corbeau, des yeux marron foncé et une peau d’albâtre. Elle est devenue mon super model idéal. Elle était Piracucu avant Pirarucu. Je l’ai dessinée non-stop pendant un an et demi, et elle était plutôt controversée au lycée. Elle est hétérosexuelle mais elle a l’esprit d’un homme homosexuel qui serait actif. Elle est devenue une source de confiance en moi pendant mes années au lycée. J’étais un jeune ado très seul et je vivais ma vie par procuration à travers elle. En un sens, même encore aujourd’hui.

@Blake Gildaphish Crédit: Blake Gildaphish

Tu dessines souvent des actes sexuels entre tes personnages, et ils semblent toujours très libres, on voit qu’ils s’amusent beaucoup. La liberté sexuelle est-elle un message qu’on retrouve dans ton art ?

La liberté sexuelle était un message il y a des années, comme dans les débuts de Tiffany quand elle doigtait son copain ou quand elle jouait avec les fesses d’un mec, mais il n’y a plus ce genre de message aujourd’hui, et depuis des années. Je dessine juste ce que j’aime et ce qui me semble intéressant ou amusant. Si quelqu’un lit un message dans un dessin de Pirarucu qui chante au karaoké en slip ou qui fume de l’herbe sur un sofa dans une pièce sombre, tant mieux ! Mais je dis ça je ne dis rien…

@Blake Gildaphish Crédit: Blake Gildaphish

Il y a beaucoup de surréalisme dans ton art en général, comme si les personnages étaient dans un rêve. Est-ce que tes dessins sont basés sur tes rêves ?

Oh j’adorerais que mes rêves soient comme ça ! Les dessins de mes personnages sont des constructions fantastiques qui intègrent la réalité d’autres personnes. Tu vois ? Des trucs que je lis, entend ou vois à la télé. Parfois ils contiennent vraiment un message mais je ne le découvre que des années plus tard car je ne suis pas toujours conscient de ce que je fais. Le message m’est d’ailleurs souvent adressé. J’ai des visions psychiques depuis mon enfance. J’ai vu la mort de mes parents dans un rêve que j’ai eu à l’âge de quatre ans. J’ai souvent des visions, mais elles sont confuses et je ne comprends parfois ce qu’elles veulent dire qu’à la dernière minute, mais je sais que je suis guidé par une force spirituelle. Je ne sais pas ce que c’est, mais elle m’a permis de compléter plusieurs dessins comme celui intitulé Who can it be now. Je ne sais honnêtement pas comment je termine certains dessins, c’est comme si j’étais en transe quelques fois. 

@Blake Gildaphish Crédit: Blake Gildaphish

Il y a souvent des éléments récurrents dans tes dessins, comme des dessins géométriques très colorés, des plantes et des animaux. Parle nous de ces éléments.

Je déteste voir où va le monde actuellement. J’adore les plantes et la vie sauvage. Je déteste les voitures, les autoroutes et toutes ces choses faites par l’homme qui sont censées rendre le monde meilleur. J’utilise les couleurs, les plantes et les animaux pour montrer un monde dans lequel j’aimerais vivre. Un monde où les hommes et les animaux vivent et respirent librement. Un monde dont les habitants ne cherchent pas à se tuer ou se manger (j’ai mangé du poulet hier soir, donc je comprends que je me contredis un peu là !).

@Blake Gildaphish Crédit: Blake Gildaphish

Tu postes régulièrement une liste de chansons que tu écoutes pendant que tu dessines, que ce soit de la soul, du funk, du disco ou même d’autres styles de musiques parfois surprenants. Est-ce un peu la bande-annonce de ton art ?

Hum… oui ! J’écoute de la musique à longueur de journée. La musique a toujours fait partie de ma vie. Même quand je n’écoute rien, une chanson se rejoue souvent dans ma tête de façon incessante, ou alors mes oreilles vont capter une chanson qui passe dans un film ou dans une émission de télé. Ma mère m’a dit un jour que la musique m’aidait à donner vie à mon art.

@Blake Gildaphish Crédit: Blake Gildaphish

Quels sont tes futurs projets ?

Quand j’étais gosse, j’ai décidé de ne jamais rien planifier du tout ou de dire aux gens quels étaient mes projets. Je planifie tout ce que je veux, mes projets ne se réalisent que rarement, ou alors de façon inattendue bien que satisfaisante. Du moins lorsque je n’ai pas essayé de tout faire à ma façon. Vous voulez faire rire Dieu ? Dites-lui quels sont vos projets.

@Blake Gildaphish Crédit: Blake Gildaphish

Propos recueillis par David Foissard, éditeur du Bogossbook.
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