Ciné : “Toutes les vies de Kojin” ou le courage d’être gay au Kurdistan

Remarqué et primé au dernier festival Chéries-Chéris, le documentaire « Toutes les vies de Kojin » nous emmène à la rencontre de ce jeune homme qui tente de vivre son homosexualité dans une société très homophobe.

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Au Kurdistan irakien, l’homosexualité n’existe pas. C’est en tout cas le discours commun des religieux, des intellectuels, du pouvoir. Et les homosexuels qu’on peut y croiser sont des malades, influencés par ce Occident perverti où tout le monde et homo et où plus personne n’a d’enfants. On entend cela, et bien pire, dans le puissant documentaire de Diako Yazdani, lui-même kurde réfugié politique en France ? 

Et on entend bien pire : il faudrait faire le compte des témoins pour lesquels la mort est le seul sort que méritent les homosexuels dans cette région du Moyen-orient où, il y a peu de temps encore, Daech les jetait du haut des immeubles. On en frissonne d’horreur. Pourtant, face à ce terrible constat, le réalisateur nous fait découvrir une figure aussi fragile que courageuse, aussi déterminée qu’intrépide : Kojin, 23 ans, cœur battant de ce film. 

C’est à travers lui que l’on découvre la société kurde, son rapport à la religion omniprésente et à une homosexualité démonisée. Avec sa rondeur, son douceur, sa malice, sa mèche blonde et ses manières, Kojin ne se cache pas d’être gay, malgré tous les risques que cela supose. Le réalisateur raconte d’ailleurs avoir eu souvent peur pour Kojin au cours du tournage, d’autant que le jeune homme affiche de plus en plus sa différence. Entre lui et le réalisateur, c’est une formidable relation de confiance qui s’instaure, Yazdani faisant rencontrer sa famille — très réticente — à Kojin, tandis que celui-ci accepte de se livrer à une confrontation sidérante d’abord avec un terrifiant imam radical, puis avec plusieurs hommes (deux religieux, un militaire, deux intellectuels) pour un dialogue d’une grande violence et qui tourne court, un seul des ces inconnus ayant pris la défense des homos au nom de la liberté.

Plus le film avance et plus on s’attache à Kojin, plus on l’admire et plus on est inquiets pour lui, d’autant plus quand le cinéaste nous dit ne plus avoir de nouvelles depuis des semaines. Où est Kojin ? Qu’est-il devenu ? On finira par le savoir : lui aussi, comme tant d’autres, pour sauver sa peau et espérer vivre sa vie, a choisi l’exil. Et c’est un autre parcours du combattant qui commence pour lui dans une Europe qui fait tout pour dissuader et refouler les réfugiés…

Diako Yazdani a choisi de faire son documentaire à la première personne, devenant un protagoniste à part entière de ce récit. C’est aussi pour lui une manière de s’impliquer dans la destinée de Kojin, de ne pas seulement la documenter, mais d’en être un acteur. On sent qu’entre eux deux s’est nouée une amitié, belle et profonde, dont, grâce à ce film, nous sommes nous aussi partie-prenante.

Toutes les vies de Kojin, documentaire de Diako Yazdani.
Sortie le 12 février.

Une cagnotte de soutien a été créée sur Litchi afin de soutenir Kojin et d’autres réfugiés LGBT dans leurs démarches

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