Olivier Rey (Le Lavoir Public à Lyon) : “Rien n’est plus excitant que d’aborder un mec sans savoir s’il est gay ou pas”

À Lyon, il n’y a pas que la Fête des Lumières. Une semaine après la grande foire aux illuminations, la capitale des Gaules accueillera du 12 au 15 décembre un événement d’un genre bien différent : Only Porn, un festival dédié aux cultures pornographiques et plus largement à toutes les formes de sexualité. Avec, en guest-star, la Cicciolina, ex-actrice X mais aussi ancienne députée italienne et eurodéputée… À l’origine de ce festival, on retrouve le Lavoir public, un lieu hybride qui, depuis son ouverture en 2012, accueille aussi bien des spectacles que des soirées, des performances et toutes sortes d’événements. Rencontre avec son co-fondateur et directeur artistique, le metteur-en-scène de théâtre Olivier Rey, 43 ans.

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Comment le Lavoir public a-t-il vu le jour ?

Il y a bientôt huit ans, j’ai eu envie de monter un lieu de vie qui soit aussi un lieu de création artistique. En tant que metteur-en-scène et amateur de fêtes, je trouvais que tout était trop cloisonné : on faisait du théâtre dans des théâtres et du clubbing dans des clubs, mais surtout pas l’inverse ! Le Lavoir public, c’est une aventure collective qui nous a permis de faire les deux au même endroit. Nous avons eu la chance de pouvoir ré-ouvrir les anciens lavoirs municipaux, fermés depuis des années. Les anciens bassins de lavage et de rinçage sont encore là et ce côté “indus” nous a tout de suite séduit. Nous en avons fait un lieu associatif qui tourne avec une toute petite équipe : un permanent, des complices pour la programmation et une vingtaine de bénévoles.

Olivier Rey, prêt à se jeter dans le grand bain du Lavoir !

Quelle est la philosophie du Lavoir public ?

C’est un lieu à la fois festif et militant, à l’écoute de toutes les luttes (aussi bien celle des gays que des lesbiennes, des trans, des travailleuses du sexe, des réfugiés…), qui tente de prôner l’émancipation. Un endroit ouvert à toutes les tribus. Lorsque que, comme moi, on est gay, on appartient à une minorité et on ne peut pas faire comme si les autres minorités n’existaient pas, comme si elles ne subissaient pas elles aussi des oppressions. C’est pour ça que je veux accueillir de la même manière les réfugiés que les gays.Plus concrètement, je dirais que c’est un lieu de résidence et de diffusion artistique, qui abrite du théâtre, des performances, des festivals comme Only Porn (un événement dédié aux cultures pornographiques) dont la prochaine édition commence le 12 décembre en présence de la Cicciolina… Et bien évidemment du clubbing !

Bien qu’il soit très fréquenté par la communauté LGBT, le Lavoir public ne se définit pas comme un lieu gay. Pourquoi ?

Non, en effet. C’est plutôt un endroit friendly pour tous. C’est indéniable que, par notre histoire et notre programmation, la communauté LGBT est très représentée au Lavoir public. Notre soirée Arm aber sexy, chaque premier samedi du mois, accueille environ 80 % de gays. Et c’est sûr que quand on invite les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence ou le choeur gay et lesbien lyonnais À voix et à vapeur, ou lorsqu’on nous propose des spectacles en lien avec les thématiques LGBT, comme Les Douze Travelos d’Hercule, le public est majoritairement LGBT. Mais pour une soirée “shibari” (sorte de bondage japonais, NdlR), comme celle qu’on accueille durant le festival Only Porn, le public viendra plus de la communauté fétish. J’ai absolument besoin de mixité : ce qui me plaît, c’est le mélange.

La Cicciolina sera l’invitée du prochain Only Porn

En dehors de celles que le Lavoir public accueille ou organise, quelles soirées fréquentes-tu ?

Ce ne sont pas forcément des soirées gays. Pendant longtemps, c’était les plus folles. Je me souviens des soirées d’une boîte gay de Lyon qui s’appelait Le Factory, près de la Part-Dieu : il y avait là-bas des drags, de la techno, une vision de la nuit un peu outrageous. Aujourd’hui, ce n’est plus forcément le cas. C’est pour ça que je suis plus attiré par toutes les soirées alternatives, qu’elles soient gays ou pas.

Mais est-ce que la drague n’est pas plus difficile dans une soirée non-gay ?

En fait, je ne trouve rien de plus excitant que d’aborder un mec sans savoir s’il est gay ou pas. S’il en joue, ça peut devenir un jeu terriblement sexy. Mais la rencontre humaine m’intéresse autant que la possible rencontre sexuelle. J’essaye aussi de ne pas avoir de stéréotypes. Ce qui va m’intéresser, c’est faire l’expérience de la singularité d’une personne. Malheureusement, j’ai parfois l’impression que la communauté gay est de plus en plus formatée, peut-être sous l’effet du porno. Bon, tu me diras, ce n’est sans doute pas nouveau : dans les années 70, les gays portaient tous une chemise à carreaux et une moustache… Quand j’étais plus jeune, il n’y avait pas encore d’applications de rencontres et je fréquentais pas mal les lieux de drague en plein air. Ce qui me plaisait dans ces endroits, c’était la mixité sociale. Ça crée une autre forme d’inclusion.

Crédit : Denis Svartz

Comment tu t’y prends alors pour aborder un mec dont tu ne sais pas s’il est gay ? Et est-ce qu’en ne sachant pas ça, tu ne prends pas le risque de l’importuner ?

Je suis très timide, contrairement aux apparences. Si je suis en forme, je vais oser aller lui parler, l’interroger sur un détail de sa tenue ou de son comportement, par exemple. On évite les “tu viens souvent ici ?” ou “tu es venu tout seul ?” et on essaye de faire un tout petit peu preuve d’originalité… Quant aux relous, il y en a toujours eu, que ce soit en soirée gay, friendly ou hétéro. Le contexte joue beaucoup : on n’aborde pas quelqu’un de la même façon dans un bar, dans une boîte, dans un sauna ou dans une backroom… Mais je pense que le consentement (ou l’absence de consentement), c’est quelque chose qui se voit tout de suite. Donc si je vois que je ne plais pas à quelqu’un, je n’insiste pas. Je ne suis pas maso…

Le Lavoir public, 4 impasse de Flesselles – Lyon 1er
www.lelavoirpublic.fr
www.facebook.com/LeLavoirPublic

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